samedi 15 mars 2014

Timor Leste


Mon visa indonésien arrivant à sa fin, je dois sortir du pays, oui mais je suis au bout du monde, où trouver une frontière ?....il y a bien un petit pays, dont je n'ai presque jamais entendu parler....Le Timor Leste ou Timor Oriental.

À Kupang on est Chrétien...
...et il faut que ça se sache !
Un ferry plus tard, me voici au Timor occidental. Je suis toujours en Indonésie, je dois obtenir une autorisation qui me permettra d'acheter un visa à la frontière du Timor Leste.... Je suis donc bloquée quelques jours à Kupang, où je profite de l'ambiance assez...euh?Chrétienne.

Lorsque j'obtiens mon autorisation, je saute dans un bus qui pars vers l'Est, mon visa indonésien est déjà périmé depuis deux jours, j'espère passer la frontière le soir même.
Quelle utopie ! J'aurai du m'en douter, le bus ne partira, comme partout en Asie, que lorsqu'il sera plein, résultat, il fait nuit quand j'arrive à Atembua, dernière ville avant la frontière.
La famille qui m'a recueillie à Atembua
La chance est une fois de plus avec moi, j'ai fait la connaissance d'un Timorais qui parle anglais, il propose de m'héberger et de m'amener demain matin à la frontière !

Je fais la connaissance de la famille, je passe une bonne nuit dans une chambre encombrée de statues de la Vierge et autre "bondieusetés", on partage un petit déjeuner de riz et de viande: boeuf, chien, poulet et porc (chien et porc sont un luxe dans le plus grand pays musulman du monde, en bonne chrétienne, je me dois d'y faire honneur), avant de prendre la route. À la frontière, je rencontre d'autres membres de la famille, qui eux habitent du coté Oriental de l'île, ils proposent de m'emmener jusqu'à Dili, la capitale du Timor Leste.
Du coté indonésien, je dois payer une pénalité car j'ai dépassé de trois jours la date de validité de mon visa, j'obtiens sans problème le visa du Timor Leste, et nous voila partis.
Le conducteur est un avocat qui parle parfaitement anglais, c'est lui qui m'explique l'histoire de son pays.

la frontière Indonesie-Timor Leste


Un tout petit pays, le plus pauvre d'Asie, et qui a subit bien des bouleversements depuis quelques décennies.
Les portugais (ils étaient là depuis 1596 !) accordent l'indépendance au Timor  en 1975, et, quelques jours plus tard, le pays est envahi par son voisin, l'Indonesie. En pleine guerre froide, personne ne s'émeut de la situation, tout plutôt qu'un  nouveau pays communiste en vue !
téléphones d'occas' à vendre dans la capitale
téléphoner est une des occupations principales des jeunes



Ce n'est qu'en 1999 que les nations unies se réveillent et organisent un référendum pour l'indépendance. Celle ci sera effective en 2002.
Entre ces deux dates, 70% des infrastructures détruites par les milices indonesiennes et un quart de la population decimee lors des affrontements !
Le pays se remet doucement de tous ces siècles d'occupation.

À peine plus de 10 ans, le pays est donc jeune, et c'est aussi un pays de jeunes...il n'est pas rare de trouver des familles avec 14 ou 15 enfants!...mais malheureusement, le niveau d'éducation est dramatiquement faible, et le chômage élevé.

La jeunesse est donc, en grande partie oisive ou survit de petits boulots, la moitie des Timorais vivent avec moins de 1 dollar par jour.

La banque mondiale à Dili, un bien bel immeuble !
Pas très loin des banques et des restaurants de luxe,
les habitations sont moins glamour...








Dili, la capitale: d'un coté, des ambassades, des banques, des ONG, des investisseurs étrangers (beaucoup de chinois) à l'affut, beaucoup de beaux immeubles, des statues, un centre commercial moderne, des gros 4x4 et des restaurants.











De l'autre, de pauvres logements, des Timorais pieds nus qui survivent en vendant des bouteilles d'eau et des marchés où les marchandises de première nécessité sont hors de prix.
Ici, on paye en dollars américains et tout est au moins deux fois plus cher qu'en Indonesie, y compris l'alimentation....pourquoi? difficile de trouver une réponse en quelques semaines.

Mais...


Dans les sacs, derrière elle: des pierres réduites en gravier,
soigneusement calibrés
Beaucoup de terres agricoles ne sont plus exploitées....la raison invoquée: le gouvernement distribue des sacs de riz (importés) aux famille des vétérans (tout le monde ici est vétéran), alors pourquoi se fatiguer à cultiver?

Alors que, dans la partie ouest de l'île ( la partie Indonesienne), il y a 5 poulets en liberté pour un habitant, ici, c'est le calme total dans les rues...pas de poulets ! Mais des milliers de caisses de poulet congelés en provenance du Bresil !...pas étonnant que la nourriture soit chère.

Certains survivent en cassant des cailloux qu'ils vendent au bord des routes, alors que j'ai rencontré une chef d'entreprise Chinoise qui importe des matériaux de construction et, c'est elle qui le dit, réalise des marges inégalées en Asie.

Sur le mur de l'ambassade australienne, la colère en dessins
Le Timor possède pourtant des richesses, c'est d'ailleurs pourquoi il fut tant convoité au cours des siècles passés. Le pétrole et le gaz font partie de ces trésors qui devraient contribuer au développement rapide du pays, il y en a pour des milliards de dollars !

En rouge sanglant: " Australian gouvernment stealing our oil"
Le gouvernement australien vole notre pétrole
Oui mais, les gisements maritimes sont situés entre le Timor et l'Australie (seulement 700Km entre les deux), dans ce qu'on appelle le " Timor Gap". Plusieurs accords se sont succédés, régulièrement dénoncés, les uns accusant les autres de leur voler leur pétrole...le tout sur fond de scandale plus ou moins permanent. Dernier épisode en date: un mois avant mon arrivée, le Timor Leste porte une affaire d'espionnage des Australiens devant la Cour Internationale de la Haye...ici, personne n'en parle, la CIJ, c'est quoi ça ? c'est où?...en Europe? ah...


Ce contraste riche (très riche) / pauvre (très pauvre) ne m'incite pas à rester dans la capitale, d'autant que mes questions ne sont pas toujours bien reçues. Ceux qui parlent anglais et avec qui je peux donc communiquer, font immanquablement parti des nantis, ou des chanceux proches du gouvernement, et ne sont pas toujours enclins à me répondre.

Debout dans la benne, après quelques heures de route,
je suis fourbue !
Je dépose ma demande de visa au consulat Indonésien, ben, oui, faut que je planifie la suite, et il me reste encore bien des régions à découvrir dans cet immense pays...
et je pars voir le Timor Leste coté campagne. 

La tache n'est pas simple, tout simplement parce que, bien sur, pour visiter, il faut se déplacer...et, au Timor Leste, plus que partout ailleurs, bouger, c'est compliqué !


Lorsqu'il n'y a plus de place dans la benne, il reste les bords
pour s'asseoir...en équilibre bien précaire !
On n'est jamais sur d'arriver, tout simplement parce que, pour arriver, il faut déjà démarrer, et ça, c'est pas gagné...les vehicules ne partent que s'ils sont pleins. Il faut donc parfois attendre plusieurs heures avant de partir, mais souvent aussi, le depart est annulé, il faudra reesayer le lendemain.


Il y a des bus, mais ils sont rares, le plus souvent il faut trouver un camion, s'assurer de la destination (pas toujours tres claire)...et y monter !



Il y a quelques routes, au Timor Leste, elles sont parfois correctes, parfois juste empierrées, inondées (on est en saison des pluies), coupées, bref, le moindre déplacement est une aventure de plusieurs heures, voire journées.



Parfois on trouve des camions plus petits,avec des bancs sur les cotés pour s'asseoir. Quel luxe !

Dans ce camion, on peut s'asseoir, mais il faut partager avec
les vaches et leur odeur
Sauf que les bancs en bois sur les routes défoncées, ça vous démolit le dos, sauf que la bâche empêche l'air de circuler, par 35 degrés, c'est vite irrespirable, surtout quand les vaches partagent le véhicule, qu'elles se soulagent sur vos pieds pendant que vos voisins mâles fument des cigarettes à l'odeur douceâtre....

Rien de bien nouveau, me direz vous, des trajets inconfortables j'en ai vu d'autres, oui, mais, le petit plus du Timor Leste, c'est: voyager et ne jamais arriver, ou, du moins, pas forcement là où on voulait aller!

Paysage de l'est Timor



Pas bien grave pour moi. La lenteur des trajets, les attentes innombrables aux carrefours me donnent l'occasion de faire connaissance avec les timorais.

La pauvreté n'empêche pas de sourire
Bien sur, une blanche sur le bord de la route, ça ne passe pas inaperçu !
La recup', y'a pas mieux pour jouer
Ils sont plutôt habitués aux blancs des ONG qui sillonnent le pays dans de gros 4x4, et restent entre eux.






Le téléphone en main, faut pas s'affoler !...
on a le temps d'attendre
Sur le marché de Maubisse, dans les montagnes
au centre du pays, il vends un peu de tabac...
La pauvreté est palpable, à titre d'exemple, mes chaussures de marche accrochées à l'extérieur de mon sac à dos suscitent bien de l'admiration: "sapatu bagus!", elles sont bien tes chaussures !
Aucune animosité pour autant, à aucun moment ils n'envisagent de se les approprier. Des chaussures, beaucoup n'en ont pas, mais le téléphone, par contre est incontournable et ne quitte pas sont propriétaire, même dans les heures intenses...d'attente.
...elle vend des sarongs, ils travaillent dur,
ils sont riches, une exception dans ce pays !










Car, si j'ai beaucoup attendu, des transports, des gens, des infos...c'est tout simplement qu'attendre est une constante au Timor Leste, ben quoi, faut bien s'occuper ! ;-)

Ceux qui se donnent la peine de travailler gagnent de l'argent, on est vite riche quand les autres n'ont rien. Mais ils sont rares, ceux qui travaillent régulièrement.
La mode est plutôt aux expédients, on va à la pèche, on vends le poisson et on attend une ou deux semaines avant d'y retourner...
À 4 pour vendre quelques oeufs de tortue
sur le bord de la route

Ou alors, on va ramasser les oeufs de tortues. vendus à prix d'or, ça permettra bien de tenir quelques semaines...pas mal pour une matinée de boulot !
C'est interdit ? ah ? y'a des panneaux partout ?...je sais pas lire...
Ben oui, il sait pas lire parce qu'au lieu d'aller à l'école, il vend des oeufs de tortue...qu'il vend parce qu'il ne sait pas lire...









Corvée de lessive ou corvée de bois, il y bien de quoi occuper
les filles qui ne vont pas à l'école
ok, mais si on sait pas lire....
Les enfants ne vont pas à l'école parfois simplement parce qu'ils n'ont pas d'uniforme, ça coûte cher un uniforme...



Bien, sur, sans éducation, les jolis panneaux des ONG servent surtout à flatter l'ego de ceux qui ont donné de l'argent pour ça, en ayant l'impression d'aider les pauvres du bout du monde, mais que voulez vous, la bonne conscience des nantis, ça n'a pas de prix !




Pendant ce temps, les fillettes font la lessive à la pompe du village, et quand il y a 12 ou 15 enfants, ça en fait de la lessive...
Dans quelques années, elles seront à leur tour mariées, prêtes à enfanter et à laver...encore et encore.

Les garçons, eux apprennent à prendre le temps....d'attendre.
Les garçons n'ont pas de lessive à faire....

Il est temps pour moi de quitter ce petit pays et ses habitants si attachants. Leurs sourires et leur gentillesse me manquera, leur mine désolée de me savoir célibataire et sans famille restera pour toujours gravée dans ma mémoire, et je sais maintenant que je peux attendre indéfiniment au bord des routes...et m'en régaler !

Je retourne en Indonesie. Il y a bien un bus pour blancs qui fait le trajet direct jusqu'à Kupang, mais je préfère la méthode locale, et me pose donc une dernière fois à un carrefour du centre de Dili où...j'attends.
Heureusement pour moi, un véhicule pars dans l'heure (miracle !)et en plus, c'est un bus! (remiracle). Je passe la frontière à la mi-journée.et arrive au port de Kupang en milieu de nuit.

Plus que quelques marchandises à charger, le bus partira
pour l'Indonesie dans moins d'une heure !
Ha, ha ,ha, j'avais vu juste ! Le ferry qui devais partir en début de soirée est encore là, il n'attendait que moi?...heu, en fait non, il ne partira qu'au petit matin, soit presque 12 heures de retard sur son horaire officiel, mais pour un ferry indonésien c'est la norme. En route pour Makassar, sur l'île de Sulawesi, Indonésien !


 

Des ferry indonésiens, j'en ai pris....il n'y en pas un sans cafards. Bon, les cafards je m'y suis habituée. Je ne vous en ai pas souvent parlé parce que, franchement j'avais autre chose à dire mais c'est vrai que depuis plus d'un an, je vis, je dors, je mange  occasionnellement avec les cafards. Bref, bien obligée de les supporter.
circuler en becak dans les rues de Makassar
Mais là... c'est 1 cafard au cm2, le cafard faisant lui même environ 1cm...ça laisse pas beaucoup de place pour se poser. Rajoutez à cela une chaleur insupportable, des odeurs de nourriture et de toilettes pas nettoyées...puis, la mer qui met de la mauvaise volonté et décide qu'avec de grosses vagues ce sera plus marrant...je blêmis, je verdis, je suis malade.
Bref, 3 jours de traversée, trois jours d'enfer !


activité commerciale même sous la pluie
Je suis heureuse d'arriver à Makassar,enfin la terre ferme. Je suis bien fatiguée après cette affreuse traversée, c'est donc avec plaisir que je circule en "becak", sortes de rickshaws à l'envers, le vélo derrière la "cabine" du passager.
Je profite de la ville et de son abondance, quel contraste avec les pauvres marchés du Timor ! Ici, ça regorge de marchandises en tout genre, les commerces s'alignent sur des kilomètres et des kilomètres, l'activité ne faiblit pas, même sous les averses incessantes.

 Après deux jours dans la ville, je prends la route, direction les montagnes du centre de l'île.
Tout d'un coup, j'ai des frissons, et des courbatures. La fièvre ?..bon, allez, ça va passer, sûrement le contrecoup du voyage en bateau.
Sauf, que ça devient vite pire. J'ai l'impression que mes os sont cassés tellement j'ai mal, je ne peux plus appeler ça des courbatures....et la fièvre qui continue à monter....puis, la douleur derrière les yeux...et ma vue qui disparaît, tout est flou !
Là, je prends peur et je file à l'hôpital.
La consultation est rapide, il n'y a même pas de thermomètre, ma température est évaluée avec une main sur le front !...pourquoi ai-je quitté la ville ?
Le verdict tombe: la dengue, une fièvre tropicale transmise par les moustiques.
Paracetamol, boire beaucoup et attendre que ça passe....une semaine de douleurs intenses, mais c'est vrai que ça passe. Reste juste une fatigue immense.
Je ne suis plus malade, juste très faible. Et, tout d'un coup, je n'ai plus la force de continuer mon voyage, comment ai-je pu arriver jusqu'ici? seule, affronter chaque jour l'inconnu, avancer toujours plus loin ?
 Plus de deux ans sur les routes, jamais eu le mal du pays, jamais envisagé d'abandonner, mais là, c'est une évidence, il faut que je rentre.
Alors je rentre.

FIN

Vous pouvez me retrouver sur Facebook: ICI
Ou m'envoyer un e-mail: mariecoco@ymail.com


vendredi 28 février 2014

Nusa Tenggara

les maisons en bambou
En Français on les appelle "les petites îles de la sonde", ici, c'est Nusa Tenggara.
Lombok est la première de ces îles, en allant vers l'est.
Si la  partie Ouest de Lombok commence à attirer les touristes, l'intérieur des terres reste très traditionnel, avec beaucoup de villages dont les maisons sont construites en bambou.

Malheureusement, l'état des routes rend les déplacements difficiles, il n'y a aucun transports en commun, je décide donc de d'apprécier plutôt la douceur de vivre le long des cotes magnifiques de l'est de l'île.
Les algues qui seront mises à
sécher au soleil
Là, de village de pécheurs en village de pécheurs, je découvre comment le niveau de vie a été multiplié par 50 en 10 ans.
Le gouvernement Indonésien a développé des activités économiques nouvelles comme la culture des algues et l'élevage des langoustes.
Les habitants se sont donc vu attribuer gratuitement le matériel nécessaire à l'élevage de ces délicieuses créatures. Il ne reste plus qu'à attraper des bébés langoustes, ce qui est effectué à l'aide d'un ingénieux système de récup, puis de les nourrir grâce aux poissons péchés dans la baie, avant de les revendre à bon prix.



un éventail en sac de ciment recyclé pour attraper les
bébés langoustes
Oui mais....



Il n'y a aucune réglementation ou surveillance de cette exploitation de la richesse marine.

Avant, dans la nature, un grand nombre de bébés langoustes n'atteignaient pas l'âge adulte, ils étaient dévorés par les poissons.
Dans les élevages, ils atteignent presque tous l'âge adulte et sont nourris par des poissons, qui se raréfient à cause de la surpeche, car elles sont voraces les langoustes !...l'équilibre est donc totalement inversé.
D'autre part, les bébés langoustes sont aussi péchés pour être directement exportés, tels quels, surtout vers la Chine, où ils seront élevés...
d'un coté, les femmes qui cuisent ou salent le poisson
résultat, après 10 ans d'activité, il y a de moins en moins de bébés langoustes et de de moins en moins de poisson.


Un drame écologique qui ne fait que commencer....et  un drame économique qui se profile, car, la pèche est l'activité principale de l'île et sert à nourrir toute la population.






de l'autre. les hommes qui découpent les grosses prises,
ici, des requins
Pratiquée jusqu'à présent de manière traditionnelle, les richesses marines étaient préservées. Ces nouvelles activités risquent de mettre en péril la ressource alimentaire de l'ensemble de la population.


J'ai beaucoup aimé les marchés au poisson de Lombok. Il y règne une atmosphère vibrante. D'un coté les hommes qui découpent les gros poissons comme les requins, et de l'autre, les femmes qui cuisent les calamars dans des foyers en terre ou qui salent les petits poissons entre deux épaisseurs de paille à même le sol.

J'espère que, très vite, il y aura une prise de conscience de cette richesse et que la surexploitation cessera...
Égoïstement, j'ai aussi regretté l'enrichissement des habitants de Lombok. Ils ont presque tous les moyens de s'acheter une moto...voila pourquoi il n'y a aucun transport en commun sur Lombok !

c'est la peinture qui tient la rouille
ou la rouille qui tient la peinture ?
Il est temps pour moi d'avancer, toujours plus à l'est: l'île suivante s'appelle Sumbawa.
Une des îles les plus pauvres d'Indonesie. Ici, pas de programme gouvernemental pour développer l'économie d'un coup de baguette magique. Bon, c'est moche pour les habitants, mais mieux pour moi, car il y a des bus !

Ummi, une femme musulmane émancipée
 Ils ont une drôle d'allure Ok... mais je choisis "executive class", c'est le haut de gamme, avec ça je suis sure d'arriver à bon port ! :-)

J'ai rendez-vous avec Ummi que j'ai brièvement rencontrée à Lombok et qui m'a fait promettre de la contacter si j'allais à  Sumbawa.

Ici, comme dans beaucoup d'autres endroits en Asie du sud est, ce n'est pas parce qu'on est invité qu'on sera reçu. Mais Ummi est une femme émancipée et cultivée et elle m'accueille fièrement dans sa petite maison de Dompu, deuxième ville de l'île.

Sur le marchée elle vend du poisson séché, elle pose avec sa
réserve d'eau, derrière vous ne remarquez rien ?
...de quoi dormir
Ça fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de l'islam...mais, l'Indonesie étant le plus grand pays musulman du monde, Sumbawa est une île à majorité musulmane, et, Ummi est musulmane.
Elle est mariée.
Mais elle est seconde femme.
Et oui.
C'est une des dure réalité de l'islam, les hommes ont le droit d'avoir plusieurs femmes!
Elle ne s'en plaint pas vraiment, car elle bénéficie d'une aisance financière et de la tranquillité car elle a de la chance, la première femme n'habite pas à Sumbawa.

....le réchaud et les nattes sur lesquelles les femmes dormiront.
c'est leur vie, leur camp, leur avenir
 
Dans cette partie de l'Indonesie, 3 mariages sur 4 sont arrangés, si l'homme n'est pas satisfait de sa première épouse et qu'il a de l'argent, il s'en achètera une seconde.
S'il n'a pas suffisamment de fortune, il abandonnera la première pour pouvoir économiser et s'en offrir une autre.
Voila, grâce à Ummi j'ai l'explication. J'avais parfois remarqué ces femmes qui semblaient vivre sur leur lieu de travail. Abandonnées, elles n'ont pas de maison, elles survivent en vendant quelques denrées sur les marchés....où elles habitent. Ou plutôt, où elles campent toute leur vie.




Il faut que ça brille, devant..

Ummi, elle, est privilégiée, son mari a de l'argent. Il faut que ça se voit. Sa maison est donc luxueuse, du moins en façade....
Sdb, cuisine, toilettes...tout en un, à l'arrière















Salon à l'occidentale devant, là où on reçoit les visiteurs, il faut que ça en jette !... et cuisine, salle de bain toilettes tout en un à l'arrière ! C'est carrelé, c'est moderne, et c'est construit en dur, bref, c'est le grand luxe.

Une voiture, un vrai luxe à Sumbawa, 7 enfants dans la malle,
4 femmes + un bébé sur la banquette, il y aura encore deux femmes
et un enfant sur le siège passager !

Son mari a une voiture et elle décide de m'emmener en pique-nique. On s'entasse dans le véhicule, les hommes eux, suivront en moto. Dans ce milieu économiquement favorisé, une femme sur deux ne porte pas le voile, certaines ont même des tenues moulantes, ça fait un joli meli-melo de styles.

Au premier plan: les verres d'eau, il y en a
 au moins 50, on n'en ramènera aucun !
Rien n'est laissé au hasard, elles ont tout emmené, y compris le pilon de pierre pour préparer le sambal (piment écrasé qui agrémente chaque repas), et l'eau pour se désaltérer. En Indonesie, l'eau du robinet n'est pas potable, on boit donc de l'eau en bouteille. Mais quand on est riche, on préfère avoir chacun son verre d'eau que l'on jette ensuite dans la nature.

Les indonesiens n'ont aucune conscience de polluer. Pendant des millénaires, les seuls déchets étaient organiques, on jetait donc tout derrière les maisons, et c'était mangé par les animaux ou ça se décomposait sans polluer.
Pour eux, rien n'a changé, on continue à tout jeter par terre...sauf que le plastique ne se décompose pas, bien sur !

Résultat sur la photo de gauche !
Ceci ne se produit pas qu'à Sumbawa, ni même qu'en Indonesie, c'est une constante en Asie, on jette par les fenêtres de bus ou des voitures, on jette dans la rue, on jette devant chez soi, dans les rivières...et il n'y a pas de ramassage des ordures, ni de nettoyage, encore moins de recyclage...
Et lorsque j'aborde le sujet, pourtant généralement avec des gens éduqués, la réponse est toujours la même: à la prochaine grande marée, la plage sera nettoyée par les vagues ! J'ai beau expliquer que les déchets iront sur d'autres plages ou reviendront ici, ils n'y croient pas. Depuis toujours, les ordures disparaissent (mangées par les animaux ou décomposées), dans leur esprit, c'est encore comme ça. Si les déchets ne sont plus visibles, tout va bien, pas besoin de s'en occuper ou de se poser des questions !
En route pour Flores


Dragon de Komodo, impressionnant !
Prochaine étape: Flores, l'île suivante toujours plus à l'est, 6 heures de bateau, j'ai de la chance, le ciel se dégage et je profite des poissons volants, des dauphins au loin et d'une mer calme et bleue.
Les occidentaux qui se rendent à Flores y vont généralement pour aller voir les dragons de Komodo sur Komdo Island et faire de la plongée et du snorkeling. Il y a donc quelques Km de la cote ouest aménagées pour les touristes, mais, cette zone mise à part, Flores, c'est...un peu le bout du monde.

un village Ngada
L'île est très volcanique, les paysages de montagne sont superbes, mais les transports...plutôt difficiles. Il faut dompter les pentes des volcans, recouvertes de jungle épaisse avant de découvrir les villages bien cachés.

vêtements "modernes" malgré l'isolement








Les Ngada sont officiellement chrétiens (l'île fut colonisée par les portugais), mais leur culture est basée sur l'équilibre. Essentiellement l'équilibre masculin - féminin, et sur le culte des ancêtres. Il y a donc des maisons  femmes et des maisons hommes, on les reconnaît à la figurine qui orne le toit, une poupée pour les hommes et une mini maison pour les femmes.


Le même toit, mais en ville,
tôle ondulée au lieu du chaume
toit traditionnel, maison des hommes
En fait, c'est là où on vénère les ancêtres hommes, ou femmes, il en faut une de chaque dans chaque famille. Ils y a, sur le même modèle, des autels masculin ou féminins pour les sacrifices de buffles. Les sacrifices sont essentiels, pour assurer la prospérité, les récoltes, l'harmonie du clan...Et les cranes des animaux protègent les habitations longtemps après le sacrifice. Certains villages ont l'électricité, mais jamais l'eau courante, les conditions de vie ont donc peu évolué. Cependant, beaucoup ont quitté les village pour aller chercher fortune dans les villes...où ils continuent à vivre en clans, dans des maisons, un peu plus modernes, mais toujours dans l'esprit de la tradition, de l'équilibre, et des sacrifices.
Ce sont ces exilés qui amènent peu à peu la modernité, des vêtements, ou de l'outillage par exemple.

prendre un camion en route


Je décide d'explorer plus les zones isolées de Flores. Les transports sont de moins en moins faciles. Dans ces zones plus que reculées, seuls les camions sont assez robustes pour circuler. Il s'agit généralement de se hisser sur un camion (sans que celui ci ne s'arrête) et de s'installer comme on peut.



grimper dans le camion, plus facile quand il s'arrête !
Heureusement pour moi, il y a aussi des camion aménagés avec des bancs de bois à l'arrière, pour les passager, et, ceux là s'arrêtent pour qu'on ai le temps de grimper, ouf !
début du trajet en camion, j'ai encore le sourire !

J'ai 90 Km à faire, je pars tôt le matin, et j'arrive...l'après midi ! 6 heures de pistes pour faire 90 Km !!
J'aurai du choisir un camion de sacs de riz, parce que les bancs de bois dans un camion sans suspensions, quand la route n'est que trous et bosses, ça vous laisse dans un sale état, j'ai mal partout !




mon guide
Bon, je trouve l'instituteur du village qui héberge les quelques étrangers qui s'aventurent jusqu'ici,et je pars me coucher car demain j'ai 4 heures de marche dans la jungle pour rejoindre un village Mangarai.

L'instituteur m'a trouvé un guide, départ à 6 heures du matin, avant que le déluge nous assaille.

La pluie ne devrait pas arriver avant le milieu de matinée, espérons le car sinon, la piste ne sera plus praticable, on devrait alors revenir sur nos pas. La grimpette est plutôt éprouvante, enfin, pour moi...car mon guide, lui, avance pieds nus sans effort, on presse le pas, la pluie est là, il ne nous reste plus beaucoup de temps.




Les nuages sont si bas lorsque j'arrive, que je ne vois que quelques habitations, les autres sont englouties dans la brume tropicale.
D'immenses huttes rondes, leur toit descendant presque jusqu'au sol, c'est magnifique !



Ici, pas d'électricité, bien sur, pas d'eau courante, pas de véhicule motorisé et peu d'objets moderne.
Parapluie naturel

C'est la saison des pluies, on s'abrite avec des feuille de bananier, on prépare les légumes dans des mortiers de bois. Le repas sera cuit par les femmes de la famille sur des feux de bois à même le sol des maisons.

Les feuillages sont pilés avant d'être cuits,
ça ressemble un peu à des épinards







On dort sur des nattes, tissées à la main...
et aux pieds !



Suis-je encore au XXIeme siècle ?






Les bidons pour transporter l'eau,
une des concession à la modernité




















Il est temps pour moi de redescendre dans la vallée, ou je retrouve l'instituteur du village qui me fait  goûter le vin de palme préparé par son son voisin. Chaises en plastique et posters sur les murs de planches, pas de doute, j'ai retrouvé la civilisation ! ;-)