samedi 27 juillet 2013

Des temples et des moines

Tat Phanom, extrême Est du pays
En Thailande, difficile de faire l'impasse sur les temples. Quel que soit l'endroit où vous vous trouvez, il y a un temple, voire deux, ou trois ou quinze !
Tous plus beaux les uns que les autres, et chacun rivalisant de superlatifs: Ici le plus haut du pays, là, le plus étendu, le plus grand Bouddha est ici, le plus beau par là.... le tout pour attirer les foules de visiteurs.
Cheddi doré à Phrae
Temples d'inspiration Birmane dans le nord ouest



















Car en Thailande, autour du Bouddhisme, on a souvent l'impression d'un business bien rodé, l'argent coule à flots.



Le plus beau Bouddha du monde, Phistanulok
Avant d'arriver en Asie, je ne connaissait quasiment rien au Bouddhisme.
Voici un petit résumé de ce que j'ai appris en Thailande.
Chaque individu cherche à atteindre l'illumination, le Nirvana (la fin de la souffrance engendrée par le désir)
Cela passe non pas par des prières, mais par des actes quotidiens qui donnent du mérite - faire des dons, nourriture pour les moines, fleurs pour le Bouddha argent pour la construction et l'entretien des temples, libérer un oiseau ou nourrir un chien errant...
On ne doit pas tuer, voler, mentir, se saouler ou être infidèle à son epoux(se)

Temples anciens, Sukhothai. Il y a un personnage au pied de l'arbre...
si, si regardez bien,
ça vous donne une idée de la taille des bâtiments... et de l'arbre !







Au quotidien, ça veut dire se lever à l.aube pour nourrir les moines. Chaque matin,c'est le même rituel, vers 6 heures, on s'installe devant les maisons, on se déchausse (signe de respect) et on attend la procession.

Chaque personne s'incline, puis dépose de la nourriture dans chaque bol de chaque moine.
Selon l'endroit où vous habitez, il peut y avoir plus ou moins de moines à nourrir, mais, si comme sur la photo de droite, il y a une quinzaine de moines, alors, vous devez, chaque jour prévoir 15 portions de riz, ou 15 bananes, ou 15 boissons et ce, pour chaque membre de la famille qui participe.



Chaque personne nourrit chaque moine
Les moines n'ont pas le droit de stocker la nourriture, ils n'ont pas non plus le droit de manger après midi. Ils sont censés manger ce qu'on leur donne, tout ce qu'on leur donne.

J'ai plusieurs fois participé à ce rituel, notamment avec Supaporn qui m'a hébergée dans son village en Issan, sa maison est une des dernières sur le chemin de retour au temple.
Il ya 40 familles dans le village et seulement 3 moines résidant au temple.

exemple de "kit de survie"
Alors quand ils arrivent devant chez elle, les bols des moines débordent de nourriture. Je suis persuadée qu'ils ne pourront pas tout manger en quelques heures, que font ils de toute cette nourriture ? Elle ne sait pas, elle ne s'est jamais posé la question...peut être qu'ils la donne aux chiens...il y a tellement de chiens errants en Thailande que dans certains quartiers il est impossible de circuler le soir sous peine de se voir attaquer par une meute. Les habitants s'en accommodent et font des détours.
Plusieurs fois, j'explique à des thailandais que chez nous, on tue les chiots ou les chatons pour réguler la population des animaux errants, on me regarde comme une meurtrière, c'est impensable ici, on ne doit pas tuer !

Oui, mais ça ne les empêche pas d'éliminer les mouches et moustiques à grands coups de tapette, ni de manger de la viande, des insectes et des brochettes de grenouilles. Il n'y a
Magasins à offrandes
quasiment pas de végétariens en Thailande.
Ça ne les empêche pas non plus d'être pour la peine de mort.

Les offrandes ne s'arrêtent pas à la nourriture des moines (qui, à l'image de Bouddha, sont censés vivre dans le dénuement), il faut aussi leur procurer le nécessaire à la vie de tous les jours.

Un arbre qui croule sous les guirlandes
Alors, dans les nombreux magasins où l'on achète des offrandes, des statues de bouddha, des maisons aux esprits et des guirlandes de fleurs on trouve aussi des "kit de survie", comprenant les essentiels comme  PQ, vaisselle, parapluie, savon, peignes, bougies, lessive, couvertures, serviettes, piles.....
Tout ça fait marcher le commerce !

Elle fabrique 2000 guirlandes par semaine,
vit dans une maison neuve et possède
deux voitures
Ensuite, il faut nourrir les esprits. Devant chaque bâtiment, maison, usine, magasin, administration, il y a une maison des esprits dans laquelle on dépose chaque jour de la nourriture ou des boissons afin de garder les esprits heureux et éloigner le mal.
Même chose pour les arbres sacrées qui abritent aussi des esprits. Certains sont littéralement couverts de guirlandes de fleurs.

Les fleurs... ça aussi c'est un bon business. Les cultivateurs de fleurs préparent les guirlandes, les gardent dans des glacières et partent les vendre en ville. On les achète pour offrir aux temples les jours du Bouddha, pour honorer les esprits, pour accrocher dans les voitures, ça protège des accidents....

Des tire-lires pour récolter des fonds
S'acheter du mérite ne s'arrête pas là. Il faut aussi payer la construction des temples et leur entretien.
À cet effet, des urnes sont disposées un peu partout dans les temples. Elles sont souvent pleines.

Parfois, pour encourager encore plus les donations, les urnes sont remplacées par des tire-lire fantaisies, ça donne un petit coté parc d'attraction.

doré à l'or fin
On achète aussi des briques ou des tuiles qui sont vendues dans des petits stands tout autour des temples.


Il faut aussi redorer les statues, pour qu'elles soient toujours plus brillantes et plus belles. On vend donc, à l'entrée des temples, des feuilles d'or. Il suffit ensuite de les poser sur les statues, une activité favorite du week-end.


J'ai moi meme ete benie par des moines, pour m'apporter
la chance durant mon voyage
On fréquente aussi les temples pour s'assurer bonne santé, réussite dans les études ou prospérité d'une entreprise...allez, quelques billets de plus dans le bol du moine !

Alors, qu'en est-il des pauvres ? comment peuvent-ils espérer atteindre l'illumination sans l'argent pour les dons ?
Et où va tout cet argent alors que les moines doivent normalement vivre dans le dénuement ? Pourquoi les moines ont-ils presque tous un téléphone portable, une page facebook ou un super appareil photo ?
Questions taboues auxquelles je n'ai pas obtenu de réponse....
Mais lorsque le scandale d'un moine vivant dans l'opulence et la décadence éclate, c'est la consternation. La télévision montre des voitures de luxe et même un jet privé, une résidence de luxe ou le moine est soupçonné de se livrer à la consommation de drogue et de femmes.

Le bouddhisme ne se considère pas comme une religion, mais comme une philosophie.

Je ne prétends pas avoir tout compris à cette pratique, loin de la, j'ai juste observé, posé beaucoup de question et eu l'impression que, si ça n'est pas une religion, ça y ressemble beaucoup.
 

samedi 13 juillet 2013

Les éléphants de la rivière Kwai

La rivière Kwai...ça vous dit quelque chose ?
Le pont de la rivière Kwai
Comme chantait Aznavour:" je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître..."

Le film du dimanche soir et ses énièmes rediffusions de vieux films américains, parmi eux: Le pont de la rivière Kwai. Les ingénieurs de l'armée Anglaise qui construisent un pont quelque part au milieu de la jungle, pour leurs tortionnaires Japonnais, on se dit que ce n'est qu'un film. Mais cela s'est
réellement produit, le pont existe bien et c'est en Thailande que ça s'est passé.


Pas pressés de dégager la voie...
La réalité fut certainement différente de la bonne humeur qui est décrite dans le film, de nombreux soldats sont morts à la tache, comme en témoigne le cimetière de Kanchanaburi.

Le pont fut détruit par les alliés en 45 puis reconstruit. Il était en bois, il est maintenant en acier, et supporte toujours la ligne de chemin de fer qui rejoint Bangkok. Je me suis bien amusée à regarder les touristes ( beaucoup de Thailandais, Coreens, Japonnais, très peu d'occidentaux) se prendre en photo sur le pont. Il n'y a aucune sécurité, et à l'approche du train, c'est la frénésie, chacun veut sa photo avec la loco en arrière plan.
LA photo souvenir !
L'accident menace à tout instant même si le convoi roule doucement, mais que ne ferait-on pas pour revenir avec LA photo souvenir idéale !

La petite ville construite autour du pont offre aussi un musée très bien fait et qui me permet de réviser cette partie de l'histoire. En effet, en France, on a tendance à considérer la seconde guerre mondiale comme une guerre essentiellement "Européenne" et on a tendance à oublier les combats et les atrocités qui ont eu lieu loin de chez nous.

L'Histoire n'est cependant pas la raison majeure qui m'a amenée ici. Ma visite dans cette région est dédiée aux éléphants.
Ah ! la Thailande, ses plages, ses îles, ses temples et ses éléphants ! L'animal emblématique qui attire les touristes...dans tous les endroits un tant soit peu touristiques, on vous propose une balade à dos d'éléphant. Bien sur, à chaque fois, l'offre est assortie d'un laïus où l'on vous explique que les éléphants sont bien traités, et que les balades avec les touristes sont mieux pour eux que le travail dans les forets ou les mahouts maltraitent les éléphants et les épuisent à la tache.

Chouchoutés les éléphants ?

Alors voila ce que ça donne: Des éléphants parés de jolies couleurs et les mahouts, en costume de cirque. Bien sur, ça fait rêver, ça donne envie, et, pour attendrir encore plus le badaud, les éléphants sont régulièrement arrosés, ça fait un joli tableau, les éléphants sont vraiment chouchoutés et le vacancier ne résiste pas.

La réalité est bien différente.
Malheureusement, ça ne saute pas aux yeux, mais ces éléphants sont surexploités. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci dessus, entre deux balades de touristes, les éléphants sont parqués en plein soleil. Ce sont des animaux de la foret, à l'état sauvage, ils vivent à l'ombre, et pour eux, travailler et vivre en plein soleil toute la journée est une vraie souffrance. Alors, l'arrosage plusieurs fois par jours, ce n'est pas pour leur faire plaisir, c'est juste pour les maintenir en vie. Sans cela, ils mourraient.
Au travail, sur le bitume brûlant
D'autre part, les nacelles  (environ 50 Kg) sont installées le matin et ne sont retirées que le soir. ce qui veut dire que, même entre deux balades, la bête supporte ce poids, plus le poids du mahout qui ne quitte pas son éléphant, le tout posé sur la colonne vertébrale (pourtant fragile) de l'animal. Rajoutez à cela que l'animal vous transporte sur du bitume brûlant alors que ses pieds sont faits pour marcher sur les sols meubles de la jungle.

C'est pas joli, joli....mais lorsqu'en plus de cela, je surprends un mahout en train de taper sur la tête de son animal, j'ai comme envie de vomir.
Quand je dis taper, ce n'est pas une petite tape amicale, avec un espèce de pic à glace qu'il utilise comme un marteau, il tape tellement fort que ça raisonne, ça fait un bruit de tambour qui me donne envie de hurler. Bien sur, ceci n'est pas pratiqué devant les clients potentiels, mais comme ce n'est que la curiosité qui m'a amenée ici, n'ayant aucune intention de me promener sur le dos d'un pachyderme, j'ai fureté, suis allée à l'arrière du camp, j'ai observé, j'ai vu...et je me suis fait virée....mais j'ai eu le temps de voir ce qu'on voulait cacher: les animaux sont battus.

Alors, quel lien avec la rivière Kwai ?
Liberté, liberté chérie !
Il y a tout près d'ici un centre de sauvetage des éléphants. Fondé par un vétérinaire thailandais, le centre rachète les animaux maltraités pour leur permettre de finir leur vie paisiblement. Un éléphant qui a été domestiqué ne pourra malheureusement jamais retourner vivre dans la jungle, mais ici, ils vivent sans entraves, sans chaînes, sans travailler.

Les animaux qui arrivent ici sont parfois en piteux état, les oreilles arrachées ou les yeux crevés...ici, les mahouts n'utilisent leur pic à glace que pour diriger l'éléphant, jamais pour les battre. Ils font aussi attention à toujours rester sur le cou de la bête ou d'avoir un pied de chaque cote de la colonne vertébrale qui est fragile chez ces géants.

j'ai partagé le bain avec une éléphante, inoubliable !
J'apprends beaucoup sur cet animal très routinier, dans la nature, il mange, puis il va à la rivière boire et se baigner, puis il re-mange, retourne à la rivière...le tout à heures fixes. Il ne dort que 3 ou 4 heures par jour, le reste du temps étant destiné à se nourrir.

Au départ, les éléphants étaient utilisés pour travailler dans les forets, ils ont donc contribué, bien malgré eux à la destruction de leur habitat, mais les lois interdisant la déforestation ont envoyé les éléphants vers les villes et les touristes. Et il y a de plus en plus de touristes, et ils veulent tous leur petit tour à dos d'éléphant....Il faut donc en capturer de plus en plus.
La loi en Thailande autorise le transport et la vente d'éléphants nés en captivité....mais avec la corruption, il est facile d'obtenir un faux certificat, et le trafic va bon train. Comme les éléphants se font rares ici, beaucoup sont capturés en Birmanie pour venir travailler en Thailande.

Bon, je ne vais pas jouer les Brigitte Bardot, mais quand j'ai, à plusieurs reprises,  rencontré des touristes qui voulaient faire une balade à dos d'éléphant, j'ai essayé de leur expliquer dans quelles conditions vivent ces animaux, et que donc, ce n'était peut être pas une bonne idée. À chaque fois, j'ai eu les mêmes réponses:
" Oui mais c'est une occasion unique, on est en Thailande, on ne va pas rater ça".
" Oui, mais dans le parc où on va, les éléphants ne travaillent pas, ils font juste des balades, ils sont bien traités".

Même s'ils sont bien traités, vous ne pensez pas qu'ils seraient mieux en liberté ?
Liberté retrouvée grâce à éléphant world
" Là ou on est allés, c'est grâce à l'argent des touristes qu'ils peuvent nourrir les éléphants, sinon ils mourraient de faim"

Pas de doute, le discours des vendeurs de trek-éléphant, show-éléphants ou autre spectacle-éléphants est bien rodée, et les touristes égoïstes, prêts à gober n'importe quel argument et à fermer les yeux pour se faire plaisir.
Un jour il n'y aura plus d'éléphants, et chacun sera prompt à blâmer les différents gouvernements qui n'auront rien fait pour empêcher sa disparition. Bien sur les gouvernants ont leur part de responsabilité, mais dans l'exploitation touristique des éléphants, le premier coupable c'est le touriste.

Si vous partez en Thailande et voulez aider les éléphants, voici l'adresse:
http://elephantsworld.org/en/index.php
Il y a un camp similaire dans le nord, aux alentours de Chiang Mai.



 

mardi 2 juillet 2013

Camp de réfugiés, Thailande

Dernier village avec routes et maisons en dur, après,
c'est la piste. reste encore une bonne trentaine de Km
J'ai rencontré Justin au Laos. C'est un américain qui enseigne l'anglais aux jeunes des camps de réfugiés Birmans, en Thailande.

Nous avions beaucoup discuté de la situation de ces réfugiés, et il m'avait invitée à venir sur place afin de mieux comprendre.

À peine arrivée en Thailande, je me dirige donc au nord-ouest, pas loin de la frontière avec le Myanmar ( Birmanie).


Je le retrouve donc, après un voyage assez mouvementé, en grande partie en stop car l'endroit n'est pas desservi par les transports. Et pour cause: ce ne sont que quelques maisons au milieu de la jungle, dans une région montagneuse.

Ma première surprise sera de découvrir la petite église pimpante au milieu des maisons et huttes de bambou. Ce hameau a en effet été construit par des missionnaires pour venir en aide aux réfugiés Karennis puisque c'est d'eux qu'il s'agit. Les Karennis ont été convertis au Christianisme par les portugais...Ils ont donc nombreux à être plus ou moins Chrétiens, même si ils continuent à croire aux esprits de la foret et à penser que les défunts restent autour des vivants pour les guider et les protéger.
Le gouvernement Birman ayant depuis des années persécuté les Chrétiens autant que les Musulmans, ils ont été obligés de cacher leurs croyances dans leur pays et retrouvent là, la liberté de culte.


le hameau où je suis accueillie....20 maisons et la "rue"
 principale
 
Je serai hébergée par Char Reh, dans une grande maison en bambou où vivent environ 10 personnes. On dort tous ensemble dans la grande pièce commune construite sur pilotis. Les "murs" sont en bambou tressé, sous un immense toit très pentu, recouvert de feuillage. C'est ce qui maintient tout le monde au sec lorsque le ciel se déchaîne et déverse des tonnes d'eau. En quelques minutes, les "rues" du village se transforment alors en torrent et on se réfugie sous les maisons. C'est là que l'on vit, la pièce du haut ne sert qu'à dormir.


 Le camp lui n'est pas accessible aux étrangers, seuls quelques envoyés des Nations Unies peuvent y accéder.


On laisse les chaussures bien boueuses en
bas de l'escalier.
Il y a plus de 100 000 réfugiés Birmans dans les camps de Thailande. Beaucoup viennent des états frontaliers: Karen, Chan ou Karenni. Ce sont, pour la plupart, des paysans qui ont été chassés de leurs terres par les militaires qui construisent des camps d'entraînement, des routes, des barrages....ou exploitent le sous sol sans se soucier de ce que peuvent devenir les habitants.
Il y a aussi les exilés politiques, les dissidents et tous ceux qui ont, tout simplement fui la pauvreté et la dictature.

Certains vivent là depuis plus de 20 ans. Il y a beaucoup de jeunes, la plupart sont nés là, ils n'ont jamais connu leur pays d'origine, mais n'ont qu'une idée: retourner y vivre.
La plupart de ces gens parlent leur propre langue qui n'est pas le Birman. Ils ne parlent pas  Thai, n'ont aucun contact avec les Thailandais, ils n'ont pas le droit de sortir du camp. Sur les routes et chemins environnants, beaucoup de contrôles de police. Les réfugiés n'ont pas de papiers, ils n'ont donc pas le droit de circuler. Ils n'ont pas non plus le droit de cultiver la terre, ni d'exercer aucune activité économique.
Ils vivent des rations de l'aide internationale,,,depuis plus de 20 ans !
Ordinateur sous la maison en bambou
Justin et Char Reh au travail
Bon, comme toujours, il y a  des exceptions. Certains chefs de camps sont plus compréhensifs ( ou laxistes?) que d'autres et permettent quelques activités. Il y a aussi beaucoup de trafic, drogue, nourriture....les camps ne sont pas hermétiques (merci la corruption) et certains exiles Karennis à l'étranger envoient de l'argent qui alimente ce marché noir. C'est dangereux car il faut sortir des camps la nuit à travers la jungle, mais c'est une véritable aubaine, surtout pour les jeunes qui peuvent ainsi avoir un téléphone ou écouter de la musique.
 Certaines associations ont aussi réussi à installer des hameaux comme celui où je réside et ont obtenu la permission d'y envoyer certains jeunes à l'école.
toujours coquettes et souriantes malgré
leurs conditions de vie précaires
Ici, il y a aussi un groupe de Karenni qui résident à temps plein. Ils ont réussi à obtenir une autorisation de sortie permanente ( comment ? mystère...) et tentent d'organiser les communications avec leurs compatriotes restés sur place. Ils savent que les Thailandais veulent, à terme, fermer les camps et les renvoyer dans leur pays d'origine. L'assouplissement des relations internationales avec la Birmanie leur en offre la possibilité, et cela pourrait bien se produire d'un jour à l'autre.
Oui, mais ces gens ne sont pas Birmans. Certains ne parlent même pas Birman, ils veulent retrouver l'indépendance qu'ils avaient avant la prise de pouvoir par la junte militaire. De toute façon, n'ayant plus de terres, s'ils rentrent, ils seront réduits à aller grossir les bidonvilles. Si les Thailandais ferment les camps et les renvoie chez eux, ce sera, ay coup sur, une catastrophe pour ces minorités.

C'est chez eux que je réside. Justin qui est là pour enseigner l'anglais, donne aussi des cours d'informatique. L'ordinateur a été offert par un Karenni exilé en Australie, il n'y a de l'électricité que quelques heures par jour, mais chaque minute est mise à profit pour se perfectionner.
Pour ma part, j'apporte ma contribution en faisant des traductions et en organisant des "cours" de conversation en anglais, pour les filles. Elles sont très timides, et, en dehors des cours, n'adressent pas la parole à Justin, c'est la tradition pour les filles de rester en retrait. Char Reh me demande donc d'organiser ces cessions de conversation pour qu'elles puissent pratiquer leur anglais.


maquillage traditionnel et balladeur pour
 la musique
 
Elles sont super ces filles ! Elles marchent à petits pas et restent en retrait de la communauté masculine, mais elles écoutent du rap et rêvent de partir à l'étranger pour pouvoir travailler et vivre dans des grands immeubles dans une grande ville riche.
Je suis bombardée de questions sur la mode....les filles changent de style tous les ans ? la musique, le cinéma...et c'est vrai qu'il y en a dans toutes les villes? et on peut y aller seule ? t'as déjà mange un MacDo?
T'as déjà vu la mer ? C'est vrai que tout le monde va à l'Université?

Leur plus grande peur, c'est de devenir esclave. En effet, certaines riches familles Thailandaises viennent visiter les camps pour faire leur marché, corruption encore: les chefs de camps ferment les yeux.... Ils "embauchent" des très jeunes filles qui deviendront leur bonne à tout faire...autant dire leurs esclaves, corvéables à merci. D'autres auront encore moins de chance et seront directement mises sur les trottoirs de Bangkok.
Comme elles n'ont pas de papiers et pas d'éducation, elles sont condamnées à subir leur sort à vie.

Ce sont ces filles qui m'emmènent visiter les femmes girafes.
Visitez les minorités de Thailande. trek découverte des femmes girafes. Excursion éléphants et femmes girafes, nouveau village karen, exclusif, safari photo des minorités....
C'est ce que vous pouvez trouver sur les brochures touristiques si vous voulez visiter le nord de la thailande. Quelle horreur ! ces gens sont traités comme des animaux de zoo !
J'avais, bien sur, décidé de ne pas y aller.

Mais il y a un village de cette ethnie à quelques Km d'ici et les filles y ont des copines.
Alors, voila la situation: Les femmes girafes plaisent aux touristes. Les Thailandais l'ont bien compris et ont fait sortir ces réfugiés des camps pour les installer dans des villages destinés à être visités par les touristes. les conditions de vies sont meilleures que dans les camps car il y a plus d'espace (dans les camps, les huttes sont collées les unes aux autres), mais personne n'a le droit de sortir du village, la situation est donc peu différente ici aussi les réfugiés sont comme en prison...elle est juste un peu plus confortable.
Il y a un droit d'entrée à payer pour visiter les villages, et un panonceau annonçant que la totalité de l'argent va aux habitants du village. Comme ces villages sont près de la frontière Birmane, dans une zone difficile d'aces, les tour-opérateurs proposent des packages de transport et visite, tout compris, à des tarifs élevés, ils gagnent des fortunes là dessus.

Le tissage qui leur permet de gagner un peu d'argent
La réalité: ok, l'argent va aux villageois, mais ils doivent en reverser plus de 80%. Une partie aux propriétaires du terrain, une partie aux tour-opérateurs, une partie de pots de vins aux autorités des camps....

Situation intolérable ?
Oui et non.
Oui, car l'exploitation d'un groupe humain est inadmissible, oui parce que, une fois de plus, certains s'enrichissent au dépend des autres, oui parce que la dignité humaine est écrasée...


Filles girafes....sans collier
Non, parce que les femmes girafes tissent des étoffes qu'elles vendent aux touristes. Cela leur procure un revenu qu'elles ne pourraient obtenir en restant dans les camps. Cet argent sert à toute la communauté, pour payer des médicaments, acheter des cahiers pour les enfants et de la viande de temps en temps.
Les filles qui m'accompagnent me servent d'interprète. Leurs copines ont choisi de ne pas porter le collier aujourd'hui, elles sont libre de leurs choix
En fait, les plus jeunes ne mettent le collier que lorsqu'un car de touristes arrive,  pour se faire prendre en photo, ça ne les dérange pas, ça permet de gagner plus d'argent.
Explications:

un village presque comme les autres, les enfants jouent...
ils n'ont pas encore conscience d'être des réfugiés.
Si elles enlèvent leur collier, leur cou se brise....ce n'est qu'une légende. Elles peuvent enlever leur collier si elles veulent, leur cou n'est pas déformé ni affaibli, en fait après plusieurs années de port du collier c'est leur clavicule qui s'affaisse, ce qui donne l'impression que le cou s'est allongé.

Les plus âgées ont porté le collier toute leur vie et l'enlèvent rarement car c'est devenu une habitude, et sans lui elles se sentent dénudées mais les jeunes, elles, ne le mettent que pour le folklore....pour le moment. Car, quand elles seront mariées, elles pensent le porter régulièrement. Pourquoi?...parce que c'est la tradition et qu'elles seront plus respectables si elles le porte, mais ça reste un choix personnel, pas une obligation.


Entre respect des traditions et rêve d'une autre vie, ces jeunes filles savourent leur chance de ne pas être enfermées dans le camp. Elles sont heureuses de vivre dans le village, qui s'il reste une attraction touristique, leur permet d'avoir des contacts avec l'extérieur.

Photo souvenir incontournable au moment du départ
Alors, les villages Karen, piège à touristes? oui
Exploitation des minorités? oui, mais qui apporte une source de revenus (même si les intermédiaires et agents touristiques empochent la plus grande part) et une ouverture sur le monde....

J'ai passe une dizaine de jours dans le hameau des Karennis, mais Char Reh me fait comprendre qu'il est temps que je parte. Des gens du pays doivent arriver (sous entendu: des clandestins qui doivent passer la frontière), il n'y aura plus de place pour moi.

J'ai appris beaucoup et espère avoir donné suffisamment en retour.