mercredi 22 janvier 2014

La Javanaise, des volcans et un désastre

Cher lecteurs et lectrices, j'avais préparé deux longs articles sur Java, mais trop longs, trop de photos...impossible de les poster de là où je suis, les accès internet sont faibles et sporadiques..
Comme ça fait déjà deux mois que j'ai quitté Java, et pour ne pas prendre plus de retard dans mes récits, je vous propose donc un résumé.
Jakarta, la plus grande ville de l'île et la capitale du pays. Surpeuplée, bruyante, polluée...La circulation est tellement engorgée que, pour traverser une rue, on paye un pauvre bougre qui va se jeter dans la circulation et arrêter les voitures pour vous. Sans ce système, impossible de franchir le flot incessant des véhicules.

Habitations le long de la voie ferrée
Photo de droite, il est heureux, je lui ai donné 2000 roupiah (env 15 centimes), c'est 4 fois plus que le tarif, mais il a risqué sa vie pour moi !

ruelles le long du port de Jakarta
Jakarta, c'est aussi les bidonvilles le long de la voie ferrée ou autour du port.






Le fameux port qui a donne naissance à la ville que les hollandais colonisateurs appelaient Batavia, du temps de la Cie des Indes Orientales.

Pas de salades dans ces ruelles insalubres le long des canaux. Juste des baraques de tôle ondulée et de bâches où les enfants jouent dans les flaques boueuses laissées par les dernières pluies.

De l'ancienne ville il ne reste rien, Jakarta est vraiment sans aucun charme, je reprends ma route pour partir à la découverte des volcans.

Le cratère du Bromo, Java


L'Indonesie compte un grand nombre de volcans actifs.
Jamais je n'aurai imaginé me trouver un jour au bord d'un cratère fumant. Et pourtant.....

Après de nombreuses péripéties, dont un accident de moto (beaucoup de chance, je m'en tire avec des bleus et des écorchures), je découvre le paysage lunaire créé par les coulées de lave et l'impressionnante fournaise du mont Bromo.

Épuisée au sommet, difficile de respirer...et si je tombe,
je suis cuite ;-)




La progression pour arriver au bord du cratère est difficile.

On avance dans du sable noir (poussière volcanique) qui s'écroule sous les pas, et les fumées sont acres, j'arrive au sommet complètement épuisée, mais quelle experience !

Il y a trop de volcans en Indonesie pour pouvoir tous les visiter, mais il y en a un que je ne veux pas louper car il offre un spectacle que l'on ne peut voir qu'à deux endroits dans le monde, au Mexique et ici, à Java, en  route donc pour le volcan Kawah Ijen, à l'est de l'île.


Les flammes bleu électrique dansent sur les flancs du cratère
du Kawah Ijen
Départ du village à 1 heure du matin, car le phénomène n'est visible que de nuit. Une heure d'ascension à la lampe torche, le chemin grimpe dur mais il est bien tracé, c'est pas super facile, mais je m'en tire pas trop mal.                                                                Par contre, une fois arrivés en haut, il faut  descendre dans le cratère, et là,  plus de chemin. Plus du tout ! Juste des rochers...le genre de situation que, même en plein jour, je redoute. La pente est raide, et au fond du cratère, il y a le lac le plus acide du monde ! Si je tombe, je vais mourir dans d'atroces souffrances....                                                        Toujours dans le noir, j'essaie de ne pas y penser, un pas après l'autre, je pratique la méthode Coué...je ne tomberai pas, je ne tomberai pas, je vais y arriver, je ne tomberai pas...

Je l'ai fait ! Je ne suis pas tombée...et j'ai été récompensée par la découverte de ce spectacle unique: la montagne dévorée par les flammes bleues ! C'est féerique, absolument envoûtant. Les flammes bougent, grandissent par vagues et retombent avant de ressurgir un peu plus loin...on dirait une danse, silencieuse et magique.
Le jour se lève et la magie paradisiaque disparaît, remplacée par une vision plus proche de l'enfer.
 
Le lac, turquoise au fond, les fumées épaisses à gauche, et les
mineurs au centre


Aucune protection pour les mineurs
qui respirent ces vapeurs toxiques jours après jours
La lumière du petit matin dévoile peu à peu le paysage de l'intérieur du cratère. Le lac ( celui où je ne suis pas tombée) bleu turquoise, les amas de rochers (où je ne suis pas tombée non plus), la fumée opaque (qui m'empêchait de respirer mais que je ne voyais pas dans le noir) et les mineurs !                                                       

Ils exploitent le souffre. Ce sont les vapeurs de souffre qui s'enflamment au contact de l'air et créent ces immenses flammes bleues.



Ils entament l'épuisante remontée, avec leur lourd fardeau
Et le souffre qui s'échappe à l'état gazeux devient liquide en refroidissant, avant de se solidifier. Les mineurs le cassent à coup de barres à mine, ils travaillent comme des forcenés, sans protection. La chaleur est difficilement supportable, et les fumées hautement toxiques.










Une petite pose avant de reprendre la montée,
il a 35 Kg dans chaque paniers
Le souffre est ensuite ramené à dos d'homme, dans des paniers. Les hommes rapportent entre 50 et 100 Kg par voyage, et quel voyage !



Il n'y a pas plus de chemin au retour qu'à l'aller.
Il faut donc remonter cette pente raide et caillouteuse... le mot est bien faible pour décrire cet amas de rochers.
remontée du fond du cratère Ijen


Vous voyez les deux petites taches jaunes en bas, sur la photo de droite?
C'est le souffre dans les paniers, sur le dos d'un porteur....
Presque arrivé....vivement la descente
 
ça vous donne une idée du chemin à parcourir pour arriver jusqu'en haut du cratère.



Un dernier volcan ?
Un désastre.
Nord est de Java. Il y a la grande ville de Surabaya, et les banlieues qui s'étendent sur de dizaines de Km, pour rejoindre d'autres agglomérations, le tout formant une immense zone urbaine.
En 2006, une société pétrolière décide faire un forage d'exploration....mais perce au mauvais endroit.
De la boue sous pression s'échappe du forage....
Le panache de fumée blanche au centre de la ligne d'horizon, c'est le volcan qui continue de cracher boue et vapeur.
Les locaux l'appellent Lumpur Lapindo, du nom de la société pétrolière qui a déclenché la catastrophe.
Les habitations sont maintenant sous 14 mètres de boue !
Et continue à s'en échapper encore aujourd'hui !

La ligne à haute tension, il faut sans arrêt consolider
les pylônes avant qu'ils ne sombrent


Ils ont percé un volcan de boue, il déverse cette matière visqueuse à haute température, chargée d'hydrocarbures et de métaux lourds.
La ville de Porong a totalement disparue, ensevelie, puis, les villes et villages des alentours ainsi que les terres cultivées ont sombré à leur tour.
Pour limiter les dégâts, l'eau est pompée
et rejetée un peu plus loin...
......et les habitants pèchent dans ces eaux toxiques, ils n'ont
pas le choix, plus de terre à cultiver, plus rien à manger
Il y a maintenant une mer de boue de plus de 40Km2, et elle continue de s'étendre.
Bien sur, des mesures ont été prises, des digues ont été construites, l'eau et la boue sont régulièrement pompées, mais les digues cèdent une à une et il faut évacuer de plus en plus de personnes, de plus en plus loin.
Quelques pancartes....
Le sujet est plutôt tabou dans la région et je n'ai pas pu vérifier les conditions dans lesquelles vivent les habitants qui ont été déplacés ( plusieurs dizaines de milliers). On m'a parlé de bidonvilles immenses, mais personne n'a voulu m'y emmener.
....et une caricature en papier mâché de
Monsieur Aburizal Bakrie
Sur place, quelques pancartes qui paraissent bien peu de protestation face à l'ampleur du désastre, surtout sachant que les indemnisations promises ne sont toujours pas payées. De toute façon, que peut on faire avec moins d'1 euro par mètre carré de rizière détruite ?
D'autre part, la société pétrolière a été innocentée, les experts ont jugé qu'il s'agit d'une catastrophe naturelle....
Que Monsieur Aburizal Bakrie soit un des actionnaire principal de ladite société ainsi que ministre du gouvernement en place et candidat à la présidentielle de 2014 n'a bien sur rien à voir avec ce jugement.....
 
Voila, ainsi s'achève mon périple à Java, j'ai pas vraiment eu le temps d'y faire la java (mais d'où peut bien venir cette expression ?)
Mais j'ai souvent fait écouter La Javanaise aux gens que j'ai rencontrés, ils ont tous été ravis de savoir qu'une célèbre chanson française fait référence à leur contrée.
A bientôt, pour de nouvelles aventures !