samedi 15 mars 2014

Timor Leste


Mon visa indonésien arrivant à sa fin, je dois sortir du pays, oui mais je suis au bout du monde, où trouver une frontière ?....il y a bien un petit pays, dont je n'ai presque jamais entendu parler....Le Timor Leste ou Timor Oriental.

À Kupang on est Chrétien...
...et il faut que ça se sache !
Un ferry plus tard, me voici au Timor occidental. Je suis toujours en Indonésie, je dois obtenir une autorisation qui me permettra d'acheter un visa à la frontière du Timor Leste.... Je suis donc bloquée quelques jours à Kupang, où je profite de l'ambiance assez...euh?Chrétienne.

Lorsque j'obtiens mon autorisation, je saute dans un bus qui pars vers l'Est, mon visa indonésien est déjà périmé depuis deux jours, j'espère passer la frontière le soir même.
Quelle utopie ! J'aurai du m'en douter, le bus ne partira, comme partout en Asie, que lorsqu'il sera plein, résultat, il fait nuit quand j'arrive à Atembua, dernière ville avant la frontière.
La famille qui m'a recueillie à Atembua
La chance est une fois de plus avec moi, j'ai fait la connaissance d'un Timorais qui parle anglais, il propose de m'héberger et de m'amener demain matin à la frontière !

Je fais la connaissance de la famille, je passe une bonne nuit dans une chambre encombrée de statues de la Vierge et autre "bondieusetés", on partage un petit déjeuner de riz et de viande: boeuf, chien, poulet et porc (chien et porc sont un luxe dans le plus grand pays musulman du monde, en bonne chrétienne, je me dois d'y faire honneur), avant de prendre la route. À la frontière, je rencontre d'autres membres de la famille, qui eux habitent du coté Oriental de l'île, ils proposent de m'emmener jusqu'à Dili, la capitale du Timor Leste.
Du coté indonésien, je dois payer une pénalité car j'ai dépassé de trois jours la date de validité de mon visa, j'obtiens sans problème le visa du Timor Leste, et nous voila partis.
Le conducteur est un avocat qui parle parfaitement anglais, c'est lui qui m'explique l'histoire de son pays.

la frontière Indonesie-Timor Leste


Un tout petit pays, le plus pauvre d'Asie, et qui a subit bien des bouleversements depuis quelques décennies.
Les portugais (ils étaient là depuis 1596 !) accordent l'indépendance au Timor  en 1975, et, quelques jours plus tard, le pays est envahi par son voisin, l'Indonesie. En pleine guerre froide, personne ne s'émeut de la situation, tout plutôt qu'un  nouveau pays communiste en vue !
téléphones d'occas' à vendre dans la capitale
téléphoner est une des occupations principales des jeunes



Ce n'est qu'en 1999 que les nations unies se réveillent et organisent un référendum pour l'indépendance. Celle ci sera effective en 2002.
Entre ces deux dates, 70% des infrastructures détruites par les milices indonesiennes et un quart de la population decimee lors des affrontements !
Le pays se remet doucement de tous ces siècles d'occupation.

À peine plus de 10 ans, le pays est donc jeune, et c'est aussi un pays de jeunes...il n'est pas rare de trouver des familles avec 14 ou 15 enfants!...mais malheureusement, le niveau d'éducation est dramatiquement faible, et le chômage élevé.

La jeunesse est donc, en grande partie oisive ou survit de petits boulots, la moitie des Timorais vivent avec moins de 1 dollar par jour.

La banque mondiale à Dili, un bien bel immeuble !
Pas très loin des banques et des restaurants de luxe,
les habitations sont moins glamour...








Dili, la capitale: d'un coté, des ambassades, des banques, des ONG, des investisseurs étrangers (beaucoup de chinois) à l'affut, beaucoup de beaux immeubles, des statues, un centre commercial moderne, des gros 4x4 et des restaurants.











De l'autre, de pauvres logements, des Timorais pieds nus qui survivent en vendant des bouteilles d'eau et des marchés où les marchandises de première nécessité sont hors de prix.
Ici, on paye en dollars américains et tout est au moins deux fois plus cher qu'en Indonesie, y compris l'alimentation....pourquoi? difficile de trouver une réponse en quelques semaines.

Mais...


Dans les sacs, derrière elle: des pierres réduites en gravier,
soigneusement calibrés
Beaucoup de terres agricoles ne sont plus exploitées....la raison invoquée: le gouvernement distribue des sacs de riz (importés) aux famille des vétérans (tout le monde ici est vétéran), alors pourquoi se fatiguer à cultiver?

Alors que, dans la partie ouest de l'île ( la partie Indonesienne), il y a 5 poulets en liberté pour un habitant, ici, c'est le calme total dans les rues...pas de poulets ! Mais des milliers de caisses de poulet congelés en provenance du Bresil !...pas étonnant que la nourriture soit chère.

Certains survivent en cassant des cailloux qu'ils vendent au bord des routes, alors que j'ai rencontré une chef d'entreprise Chinoise qui importe des matériaux de construction et, c'est elle qui le dit, réalise des marges inégalées en Asie.

Sur le mur de l'ambassade australienne, la colère en dessins
Le Timor possède pourtant des richesses, c'est d'ailleurs pourquoi il fut tant convoité au cours des siècles passés. Le pétrole et le gaz font partie de ces trésors qui devraient contribuer au développement rapide du pays, il y en a pour des milliards de dollars !

En rouge sanglant: " Australian gouvernment stealing our oil"
Le gouvernement australien vole notre pétrole
Oui mais, les gisements maritimes sont situés entre le Timor et l'Australie (seulement 700Km entre les deux), dans ce qu'on appelle le " Timor Gap". Plusieurs accords se sont succédés, régulièrement dénoncés, les uns accusant les autres de leur voler leur pétrole...le tout sur fond de scandale plus ou moins permanent. Dernier épisode en date: un mois avant mon arrivée, le Timor Leste porte une affaire d'espionnage des Australiens devant la Cour Internationale de la Haye...ici, personne n'en parle, la CIJ, c'est quoi ça ? c'est où?...en Europe? ah...


Ce contraste riche (très riche) / pauvre (très pauvre) ne m'incite pas à rester dans la capitale, d'autant que mes questions ne sont pas toujours bien reçues. Ceux qui parlent anglais et avec qui je peux donc communiquer, font immanquablement parti des nantis, ou des chanceux proches du gouvernement, et ne sont pas toujours enclins à me répondre.

Debout dans la benne, après quelques heures de route,
je suis fourbue !
Je dépose ma demande de visa au consulat Indonésien, ben, oui, faut que je planifie la suite, et il me reste encore bien des régions à découvrir dans cet immense pays...
et je pars voir le Timor Leste coté campagne. 

La tache n'est pas simple, tout simplement parce que, bien sur, pour visiter, il faut se déplacer...et, au Timor Leste, plus que partout ailleurs, bouger, c'est compliqué !


Lorsqu'il n'y a plus de place dans la benne, il reste les bords
pour s'asseoir...en équilibre bien précaire !
On n'est jamais sur d'arriver, tout simplement parce que, pour arriver, il faut déjà démarrer, et ça, c'est pas gagné...les vehicules ne partent que s'ils sont pleins. Il faut donc parfois attendre plusieurs heures avant de partir, mais souvent aussi, le depart est annulé, il faudra reesayer le lendemain.


Il y a des bus, mais ils sont rares, le plus souvent il faut trouver un camion, s'assurer de la destination (pas toujours tres claire)...et y monter !



Il y a quelques routes, au Timor Leste, elles sont parfois correctes, parfois juste empierrées, inondées (on est en saison des pluies), coupées, bref, le moindre déplacement est une aventure de plusieurs heures, voire journées.



Parfois on trouve des camions plus petits,avec des bancs sur les cotés pour s'asseoir. Quel luxe !

Dans ce camion, on peut s'asseoir, mais il faut partager avec
les vaches et leur odeur
Sauf que les bancs en bois sur les routes défoncées, ça vous démolit le dos, sauf que la bâche empêche l'air de circuler, par 35 degrés, c'est vite irrespirable, surtout quand les vaches partagent le véhicule, qu'elles se soulagent sur vos pieds pendant que vos voisins mâles fument des cigarettes à l'odeur douceâtre....

Rien de bien nouveau, me direz vous, des trajets inconfortables j'en ai vu d'autres, oui, mais, le petit plus du Timor Leste, c'est: voyager et ne jamais arriver, ou, du moins, pas forcement là où on voulait aller!

Paysage de l'est Timor



Pas bien grave pour moi. La lenteur des trajets, les attentes innombrables aux carrefours me donnent l'occasion de faire connaissance avec les timorais.

La pauvreté n'empêche pas de sourire
Bien sur, une blanche sur le bord de la route, ça ne passe pas inaperçu !
La recup', y'a pas mieux pour jouer
Ils sont plutôt habitués aux blancs des ONG qui sillonnent le pays dans de gros 4x4, et restent entre eux.






Le téléphone en main, faut pas s'affoler !...
on a le temps d'attendre
Sur le marché de Maubisse, dans les montagnes
au centre du pays, il vends un peu de tabac...
La pauvreté est palpable, à titre d'exemple, mes chaussures de marche accrochées à l'extérieur de mon sac à dos suscitent bien de l'admiration: "sapatu bagus!", elles sont bien tes chaussures !
Aucune animosité pour autant, à aucun moment ils n'envisagent de se les approprier. Des chaussures, beaucoup n'en ont pas, mais le téléphone, par contre est incontournable et ne quitte pas sont propriétaire, même dans les heures intenses...d'attente.
...elle vend des sarongs, ils travaillent dur,
ils sont riches, une exception dans ce pays !










Car, si j'ai beaucoup attendu, des transports, des gens, des infos...c'est tout simplement qu'attendre est une constante au Timor Leste, ben quoi, faut bien s'occuper ! ;-)

Ceux qui se donnent la peine de travailler gagnent de l'argent, on est vite riche quand les autres n'ont rien. Mais ils sont rares, ceux qui travaillent régulièrement.
La mode est plutôt aux expédients, on va à la pèche, on vends le poisson et on attend une ou deux semaines avant d'y retourner...
À 4 pour vendre quelques oeufs de tortue
sur le bord de la route

Ou alors, on va ramasser les oeufs de tortues. vendus à prix d'or, ça permettra bien de tenir quelques semaines...pas mal pour une matinée de boulot !
C'est interdit ? ah ? y'a des panneaux partout ?...je sais pas lire...
Ben oui, il sait pas lire parce qu'au lieu d'aller à l'école, il vend des oeufs de tortue...qu'il vend parce qu'il ne sait pas lire...









Corvée de lessive ou corvée de bois, il y bien de quoi occuper
les filles qui ne vont pas à l'école
ok, mais si on sait pas lire....
Les enfants ne vont pas à l'école parfois simplement parce qu'ils n'ont pas d'uniforme, ça coûte cher un uniforme...



Bien, sur, sans éducation, les jolis panneaux des ONG servent surtout à flatter l'ego de ceux qui ont donné de l'argent pour ça, en ayant l'impression d'aider les pauvres du bout du monde, mais que voulez vous, la bonne conscience des nantis, ça n'a pas de prix !




Pendant ce temps, les fillettes font la lessive à la pompe du village, et quand il y a 12 ou 15 enfants, ça en fait de la lessive...
Dans quelques années, elles seront à leur tour mariées, prêtes à enfanter et à laver...encore et encore.

Les garçons, eux apprennent à prendre le temps....d'attendre.
Les garçons n'ont pas de lessive à faire....

Il est temps pour moi de quitter ce petit pays et ses habitants si attachants. Leurs sourires et leur gentillesse me manquera, leur mine désolée de me savoir célibataire et sans famille restera pour toujours gravée dans ma mémoire, et je sais maintenant que je peux attendre indéfiniment au bord des routes...et m'en régaler !

Je retourne en Indonesie. Il y a bien un bus pour blancs qui fait le trajet direct jusqu'à Kupang, mais je préfère la méthode locale, et me pose donc une dernière fois à un carrefour du centre de Dili où...j'attends.
Heureusement pour moi, un véhicule pars dans l'heure (miracle !)et en plus, c'est un bus! (remiracle). Je passe la frontière à la mi-journée.et arrive au port de Kupang en milieu de nuit.

Plus que quelques marchandises à charger, le bus partira
pour l'Indonesie dans moins d'une heure !
Ha, ha ,ha, j'avais vu juste ! Le ferry qui devais partir en début de soirée est encore là, il n'attendait que moi?...heu, en fait non, il ne partira qu'au petit matin, soit presque 12 heures de retard sur son horaire officiel, mais pour un ferry indonésien c'est la norme. En route pour Makassar, sur l'île de Sulawesi, Indonésien !


 

Des ferry indonésiens, j'en ai pris....il n'y en pas un sans cafards. Bon, les cafards je m'y suis habituée. Je ne vous en ai pas souvent parlé parce que, franchement j'avais autre chose à dire mais c'est vrai que depuis plus d'un an, je vis, je dors, je mange  occasionnellement avec les cafards. Bref, bien obligée de les supporter.
circuler en becak dans les rues de Makassar
Mais là... c'est 1 cafard au cm2, le cafard faisant lui même environ 1cm...ça laisse pas beaucoup de place pour se poser. Rajoutez à cela une chaleur insupportable, des odeurs de nourriture et de toilettes pas nettoyées...puis, la mer qui met de la mauvaise volonté et décide qu'avec de grosses vagues ce sera plus marrant...je blêmis, je verdis, je suis malade.
Bref, 3 jours de traversée, trois jours d'enfer !


activité commerciale même sous la pluie
Je suis heureuse d'arriver à Makassar,enfin la terre ferme. Je suis bien fatiguée après cette affreuse traversée, c'est donc avec plaisir que je circule en "becak", sortes de rickshaws à l'envers, le vélo derrière la "cabine" du passager.
Je profite de la ville et de son abondance, quel contraste avec les pauvres marchés du Timor ! Ici, ça regorge de marchandises en tout genre, les commerces s'alignent sur des kilomètres et des kilomètres, l'activité ne faiblit pas, même sous les averses incessantes.

 Après deux jours dans la ville, je prends la route, direction les montagnes du centre de l'île.
Tout d'un coup, j'ai des frissons, et des courbatures. La fièvre ?..bon, allez, ça va passer, sûrement le contrecoup du voyage en bateau.
Sauf, que ça devient vite pire. J'ai l'impression que mes os sont cassés tellement j'ai mal, je ne peux plus appeler ça des courbatures....et la fièvre qui continue à monter....puis, la douleur derrière les yeux...et ma vue qui disparaît, tout est flou !
Là, je prends peur et je file à l'hôpital.
La consultation est rapide, il n'y a même pas de thermomètre, ma température est évaluée avec une main sur le front !...pourquoi ai-je quitté la ville ?
Le verdict tombe: la dengue, une fièvre tropicale transmise par les moustiques.
Paracetamol, boire beaucoup et attendre que ça passe....une semaine de douleurs intenses, mais c'est vrai que ça passe. Reste juste une fatigue immense.
Je ne suis plus malade, juste très faible. Et, tout d'un coup, je n'ai plus la force de continuer mon voyage, comment ai-je pu arriver jusqu'ici? seule, affronter chaque jour l'inconnu, avancer toujours plus loin ?
 Plus de deux ans sur les routes, jamais eu le mal du pays, jamais envisagé d'abandonner, mais là, c'est une évidence, il faut que je rentre.
Alors je rentre.

FIN

Vous pouvez me retrouver sur Facebook: ICI
Ou m'envoyer un e-mail: mariecoco@ymail.com