vendredi 27 décembre 2013

Un bémol au paradis, Sumatra.

Je longe la cote ouest de Sumatra, en direction du sud. Il faut bien avouer que la tache est ardue pour moi qui aime flâner et m'arrêter dans les villages au gré de mes envies, car il n'y a pas de transports public autres que des bus longues distances.
Donc, ou on fait 400 Km (ce qui, dans cette région équivaut à au moins 12 h heures de route ) sans s'arrêter nulle part, ou on ne fait pas.
Je ne m'avoue pas vaincue pour autant, et je soudoie le chauffeur pour qu'il me laisse dans une bourgade du bord de mer que j'ai repérée sur la carte.
le coin des femmes, sur le bateau
Mauvais choix. Il n'y a rien dans ce trou perdu, la petite ville a été reconstruite après le tsunami, maisons alignées le long de la route principale, la mer est à plusieurs Km, un marché une fois par semaine, mais bien sur, pas le jour où j'y suis.
Un seul losmen ( auberge locale) matelas sur le sol ou grouillent les cafards...Mauvais choix, vraiment.
Il y aura bien un bus pour repartir, mais pas avant demain après midi, il s'arrêtera s'il y a des places libres, sinon, il faudra attendre le suivant.
Que faire ? d'abord manger un morceau, je me sens toujours mieux après un bon repas, surtout quand c'est du poisson tout frais péché!
C'est là, dans un boui-boui au bord de la route que je suis abordée par un type qui parle quelques mots d'anglais. Oh ! miracle !
Après les questions d'usage, il me propose de m'emmener visiter son village. C'est un village de pécheurs, il n'y a pas de route pour s'y rendre, il faut y aller en "robin", petit bateau en bois qui fait la navette entre les villages sans routes.
la mangrove tout le long du trajet
Ok, on attend le robin ensemble, quand il arrive c'est la cohue, tout le monde se rue dans ce petit bateau. Ici, personne n'est pressé, il n'y a pas d'horaires, et les gens sont capables de passer des journées entières à attendre je ne sais quoi sans s'énerver. Mais des qu'un bus ou  un bateau arrive, il faut se ruer, être le premier à monter...c'est, à chaque fois, la foire d'empoigne !
C'est donc dans un joyeux chahut qu'a lieu l'embarquement, on se presse, on pousse les paquets, les poules, les enfants, ça monte, ça descend chercher d'autres paquets. Je suis happée par les femmes qui se mettent toutes du même coté, et commencent à toucher mon nez en riant. Peu à peu, l'agitation se calme, et nous partons.
Nous voguons sur une étendue d\eau plutôt boueuse, parfois très large, comme sur un lac, mais qui se rétrécit par endroit tellement qu'on pourrait toucher les arbres et leurs racines aériennes comme dans une mangrove.
le village vu du bateau, à l'arrivée
Je suis absorbée dans la contemplation de ce paysage si nouveau pour moi, lorsque je me rends compte que je ne vois pas mon nouvel ami, celui qui m'a invitée dans son village. Je scrute les visages...non, il n'est plus dans le robin !
Que s'est-il passe ? il est redescendu du bateau? il m'a abandonnée?...
C'est avec ces questions en tète que je découvre le village après une petite heure de trajet: les petites barques colorées bien rangées devant les maisons sur pilotis et les palmiers en toile de fond...
Je débarque dans l'indifférence générale. Les femmes qui m'avaient assaillie dans le bateau s'éparpillent dans le village, et les habitants me regardent de loin. Pas de "hello mister" ici, les gens ont l'air plutôt timides ou craintifs. Les enfants me suivent en grappes, mais ne m'interpellent pas. Je confie mon sac à une marchande de légumes et je pars explorer les alentours. Il y a donc les maisons sur pilotis, leur façade cote rue, d'autres maisons de l'autre coté de la rue, de plein pied, celles ci, et les palmiers derrière. Après un petit tour du village, ou on me regarde comme une extra terrestre, je pars vers les palmiers, et je découvre, émerveillée, une plage. Une plage comme tout le monde en rêve: sable blanc à perte de vue et les palmiers pour me donner un peu d'ombre pendant que je contemple l'océan indien. Et tout ça uniquement pour moi, pour moi toute seule...je suis arrivée au paradis !
Je suis arrivée au paradis !
C'est juste une langue de terre, entre l'océan et le marais, le village s'étend en longueur entre les deux. Pas étonnant qu'il faille y arriver en bateau!
L'après midi est déjà bien entamé, je retourne vers les maisons et essaye de trouver un logement pour le soir. Mais il n'y a pas de losmen ici. dommage...je repars donc vers l'embarcadère, mais là, on m'informe que le robin ne repart pas ce soir, il faut attendre demain. Retour vers la marchande de légumes qui avait gardé mon sac, je demande si quelqu'un peut m'héberger, mais vraisemblablement, c'est une idée qui ne réjouit personne. Bien sur, je propose de payer, mais ça ne semble pas être une question de prix,  il y a beaucoup de conciliabules entre plusieurs familles, auxquels je ne comprends malheureusement rien, et, pendant ce temps là, le soir tombe doucement. Je mange un morceau: riz et poisson séché, il n'y a pas d'autre choix dans l'unique warung du village, et finalement, je leur dit donc que je vais aller dormir sur la plage.
La pièce où je ne dormirai pas...
Alors que je me dirige vers la mer, finalement une femme me rejoint et m'offre une pièce où dormir. C'est juste une cabane en bois au dessus de l'eau, ça ressemble à une pièce pour stocker des marchandises et le sol est d'une saleté repoussante. À peine ai-je pose mon sac, qu'un énorme rat me file entre les pattes.
Bon, je ne dormirai pas sur ce sol humide avec les rats pour compagnons, je sors et je m'installe à l'extérieur, sur une plate forme en bois sur laquelle sont étalés les légumes dans la journée. Au moins, je suis en hauteur, c'est toujours mieux.

Le chef du village (à droite) et Ruli, mon hôte
Ma nuit fut longue et peu reposante, car les rats sont partout autour de moi, ils ne grimpent pas sur la plate forme, mais je reste en alerte, ce n'est qu'au petit matin que je m'assoupis pour me réveiller bientôt, entourée d'une bonne partie des habitants du village qui m'observent. Oups...
Affronter les vagues pour décharger la pèche dans leurs
grands paniers
Les gens ne se moquent pas de moi, ils ne rient pas, ils ont l'air plutôt préoccupés du fait que j'ai dormi dehors. Un homme me fait signe de le suivre, il m'amène dans une maison, et me confie à cette famille, il me dit que je peux dormir là. J'avoue que, n'ayant que peu dormi pendant la nuit, je m'endors rapidement dans la pièce principale, malgré le bruit ambiant. Après une bonne "sieste" matinale, je découvre ma famille d'accueil qui me propose un "mandi" (toilette au puits à l'arrière de la maison) et m'accompagne ensuite rencontrer mon sauveur dans une maison voisine.
Ce que je comprends: cet homme est le chef du village, et j'aurai du venir le voir hier, il m'aurait trouvé un hébergement...si j'avais su, ça m'aurait évité une nuit horrible.


À partir de là, les habitants changent d'attitude, et, s'ils sont plus réservés que dans le reste du pays, ils n'en sont pas moins accueillants. Maintenant que j'ai l'approbation du chef, je suis adoptée, tout le monde me salue en riant.

puis, courir sur la plage avec le lourd fardeau


Ruli (mon hôte) m'emmène découvrir le village. Il y a environ 2000 habitants, alors, bien sur, comme le village est situe sur cette bande de terre étroite ( il n'y a pas plus de 200m entre la mer et le marais) il s'étire en longueur.
Il m'a présentée aux pécheurs, et je passe pas mal de temps à observer leur ballet. Il y a deux types de pèche ici: le"gros" bateau qui pars tous les matins et reviens sur la plage l'après midi.

Comme il n'y a pas de quai, le bateau reste un peu loin du rivage et les pécheurs déchargent la pèche grâce à de gros paniers qu'ils passent par dessus bord.
La hutte de salaison

Ils passent les vagues, ils ont de l'eau jusqu'au cou, juste de quoi tendre leur panier à bout de bras vers le bateau. Lorsque leur panier est plein, ils reviennent vers le rivage et courent ensuite sur le sable brûlant vers la hutte où a lieu la salaison.


Le deuxième type de pèche se fait au filet. À partir de la plage, une barque tire un filet à environ 100m du rivage, et ramène l'autre extrémité du filet environ 400m plus loin sur la plage.
Les deux équipes se rejoignent



À chaque extrémité du filet, une équipe de 4 ou 5 pécheurs tirent le filet pour le ramener vers le rivage. C'est comme une danse.  Deux pas en arrière, un pas sur le cote vers l'intérieur, tous ensemble, au même rythme, puis, le dernier remonte la file et prend la place de devant, et ainsi de suite, sans jamais perdre le rythme, jusqu'à ce que les deux équipes se rejoignent.

Un dernier effort, le filet est bien lourd, c'est bon signe..
Le filet est plein, il ne reste plus qu'un dernier effort pour le tirer sur le sable., mais quel effort ! le filet est lourd, l'eau et les vagues le freinent, mais les sourires fleurissent car si c'est lourd, c'est que le filet est bien rempli.

Ce jour là, il y a environ 100Kg de petits poissons qui seront vidés par les femmes avant d'être mis à sécher sur les claies en bambou sur la plage.



Mieux que le moulin  pour un café aussi
finement moulu que de la farine


Je fais maintenant partie de la communauté, et quand je ne suis pas sur la plage avec les pécheurs, je reste avec les femmes, qui pilent le café, préparent le sambal (sauce de légumes et piments) qui accompagne chaque repas. Matin, midi et soir, c'est le même menu: poisson séché, riz et sambal, le tout dégusté à la main (droite, bien sur) dans le plat commun.

 Plusieurs fois je demande pourquoi on ne mange pas du poisson frais, la réponse n'est pas claire, ils me disent que ce n'est pas bon...je pense qu'ils doivent trouver le poisson frais un peu fade. Il faut dire qu'une fois séché, c'est plutôt fort en goût...surtout au petit déjeuner !


Les enfants récupèrent ce qu'ils peuvent trouver pour jouer...
Le reste du temps, je joue avec les enfants ou je pars en balade avec mon hôte qui m'explique différents usages des plantes que l'on trouve aux environs.

Le temps passe comme ça, au rythme du village, tout va doucement, surtout les conversations qui sont parfois laborieuses vu mon faible niveau de bahasa indonesia, mais avec des mimes et beaucoup de rires, on arrive à communiquer suffisamment.
Il y a un mariage dans le village, je suis l'invitée d'honneur...ce qui veut dire je dois être assise au premier rang pendant des heures :-(
mais en contrepartie, il y a du poulet au menu :-)
Les mariés aussi doivent rester assis pendant
des heures
C'est un repas bienvenu, ça change du poisson séché 3 fois par jour !
Le marié est beau comme un dieu. La mariée est certainement jolie aussi, mais sous son épaisse couche de maquillage blanc, on a du mal à discerner ses traits...et en plus, elle ne doit pas sourire.
Ils doivent rester assis pendant des heures, sans sourire. Tout le village défile pour les admirer, c'est la réputation de toute la famille qui est en jeu, la richesse et le rang social sont jugés sur les tenues des mariés.

Toujours pas de nouvelles de mon "ami" qui m'avait invitée dans cet endroit avant de m'abandonner sur le bateau. J'ai bien essayé de demander après lui, mais ici, personne ne semble le connaître. Je pensais qu'il allait me rejoindre au village, mais les jours ont passé et il n'est pas venu. Ça fait maintenant 4 jours que je suis ici, je ne saurais jamais ce qui s'est passé...a-t-il changé d'avis au dernier moment, pensant que finalement je ne serait pas la bienvenue? a-t-il voulu être méchant envers une étrangère en l'envoyant dans un coin paumé?
La rue du deuxième village
Ruli me dit que demain il va visiter un autre village et il veut m'emmener. On doit y aller en bateau bien sur. Ok, pas de problème.
Par contre, il veut que j'emmène mon sac à dos....on ne revient pas ? il ne répond pas...bon, on verra bien.
Nous partons en barque sur le marais, pour arriver dans un village qui semble identique au premier. La différence, c'est que nous somme maintenant de l'autre cote du marais, il n'y a donc pas d\ocean, pas de plage. Juste le village avec ses maisons en bois et son unique rue transformée en pataugeoire de boue suite aux pluies que nous avons subies ces derniers jours.

Et, ici, je suis attendue. Est-ce que la nouvelle a filtré d'un village à l'autre: il y a une "boulée" pas loin, ils veulent la voir ? est-ce que Ruli en a eu assez de m'héberger, et a voulu se débarrasser de moi?...je ne sais pas... Toujours est-il qu'on m'assigne une maison, je peux rester là. Ici aussi, pas un mot d'anglais, donc, je comprend ce qui se passe, mais pas le pourquoi...
Ce n'est pas grave, je sens que je serais tout aussi bien ici que là-bas.

Il est temps de dire au revoir à Ruli, mon hôte du premier village. Je lui tends quelques billets, car en Indonesie, tout se paie mais il n'y a pas de prix fixé. Je savais que je devrais rétribuer Ruli pour son accueil, mais combien?  Donner trop peu serait une honte pour moi alors que j'ai passé des journées sensationnelles, donner trop serait une honte pour lui, il penserait qu'il ne m'a pas fourni assez pour le prix.... Je lui donne 200 000 roupiah (15 euros pour 4 jours chez lui), son visage est radieux, il est content du tarif. ouf.
23 ans, 3 enfants, bientôt 4 !
Je découvre peu à peu "mon" nouveau village. Ici, en plus de la pèche, on construit des bateaux, c'est la principale source de revenu du village.


La famille qui m'héberge est composée d'un jeune couple et de leurs trois enfants. Le quatrième est en route....ils ont pourtant l'air si jeunes. Et pour cause !
Il a 21 ans, elle en a 23. Ils se sont mariés à 16 et 18 ans, et ils n'ont pas perdu de temps pour les enfants ! Il faut dire que même s'il y a l'électricité dans le village (depuis un an seulement), les coupures de courant sont nombreuses, alors quand la nuit tombe, vers 19:00, il n'y a pas autre chose à faire dans le noir, que des enfants !
 Ce sont eux même qui m'expliquent ça, en riant.

Embouteillage dans le marais, mais où sont les pièges ?
Comme il n'y a pas de plage ici, toute la vie est tournée coté marais. Tous les matins nous partons en barque pour relever les pièges à poissons.... Sauf que je ne les ai pas vus ! Dans le marrais, les passages se rétrécissent parfois tellement entre la végétation qu'il est difficile de s'y croiser en barque. C'est là, au milieu de ces espèces de grandes herbes que sont cachés les pièges, mais Sumbu, mon hôte voit qu'ils sont vides, donc, il les laisse en place. Il a beau me les montrer à plusieurs reprises, je ne voit rien, mais rien du tout...il rigole !

Dans le village,
fabrication des pièges que je n'ai pas vus...
C'est au milieu de ce marais que j'ai la belle surprise, un matin, d'apercevoir un animal sauvage, magnifique.
Là bas, dans l'arbre me chuchote Sumbu, regarde ! regarde !
J'ai le soleil en face, il me faut quelques instants pour trouver la bête au milieu des arbres à environ 500m de notre barque.... un orang outang !

Les orang outangs, c'est une usine à touriste dans certains coins d'Indonesie. Les guides locaux organisent des treks  à travers la jungle pour les occidentaux qui payent cher la rencontre avec ces géants sauvages. En fait, il y a tout un réseau de locaux qui vont déposer chaque jour, des fruits. Les orang-outangs sont donc au rendez vous des touristes, bien sur, pourquoi se fatiguer à chercher soi même la nourriture quand on peut facilement se nourrir sur le passage des hommes.
Resultat: ces animaux deviennent dépendants de l'homme pour leur nourriture, et, pire, beaucoup tombent malade. Car une simple grippe amenée par le touriste insouciant peut tuer un orang outang en quelques jours.
Le touriste est donc une menace supplémentaire pour cet animal en voie de disparition (cause principale: les plantations de palmiers à huile qui remplacent peu à peu leur habitat...dont l'huile sera consommée par ces mêmes touristes).
J'avais donc décidé de ne pas voir les orang outangs pour ne pas participer à ce désastre, mais là, alors que je le vois évoluer dans les arbres, je suis sous le charme de cette bestiole aux poils roux !
Ça ne dure pas longtemps, tout d'un coup, Sumbu me fait signe de me taire, et il commence à ramer pour s'éloigner, il a l'air inquiet, je suis son regard vers les arbres....et je vois une main...ÉNORME !



La main de la maman...
Une fois qu'on est suffisamment loin, il m'explique que l'orang outang qu'on a vu était un jeune, et la grosse main que j'ai eu le temps d'apercevoir, appartenait à sa maman. Les mamans veillent sur leurs petits et ne sont pas commodes, c'est pourquoi, même si on était loin, il valait mieux partir.

Voila, pour moi, en tout cas, un moment magique, une rencontre inespérée. Bien sur les photos que j'ai réussi à prendre ne sont pas fameuses parce qu'on était loin et que le soleil en face gênait la prise de vue, mais ça restera un souvenir exceptionnel.

Je passe une semaine magnifique dans ce deuxième village, mais il me faut repartir car, comme je vous le disais dans le titre, il y a un bémol.

Accès aux toilettes
Ce bémol, ce sont les toilettes !
Elles existent bien, elles sont situées sur une plate forme flottante sur le marais. Pour y accéder, il faut avancer sur une planche d'environ 20 cm de large rendue glissante par les pluies quotidiennes.

Sur la photo de droite, on voit cette plate forme. À gauche, derrière la barque: une petite cabane, ce sont les toilettes. Les cloisons m'arrivent à mi fesse,  il faut donc se contorsionner pour remonter son pantalon sans donner ses fesses en spectacle ! Mais ce n'est pas le pire.

Après la traversée périlleuses, à l'intérieur des toilettes, c'est encore en équilibre que l'on doit répondre à l'appel de la nature: il n'y a que 4 rondins de bois pour poser ses pieds au dessus de l'eau...dans laquelle flotte ce que le visiteur précèdent a laissé.
Si, si, c'est vrai ! photo de gauche pour preuve: ce sont mes pieds en place, prête à m'accroupir, en espérant ne pas glisser ou trébucher...Ce qui m'est arrivé des le deuxième jour ( dans le premier village).


J'ai bien essayé d'aller faire mes besoins dans la nature, à l'écart du village, mais c'est mission impossible car je ne suis jamais seule. Les grappes de gamins me suivent partout où je vais quelque soit l'heure, y compris à la nuit tombée. La nuit arrive tôt, et à 7 heures du soir il fait noir, sans éclairage public, donc la traversée sur la planche glissante dans le noir c'est exclus, mais aller ailleurs, c'est exclus aussi...
Adieu les enfants du village...
Une seule solution pour survivre à cet enfer des toilettes: boire le moins possible. De cette manière, je limite mes visites au petit coin, ok, mais avec la chaleur humide, je transpire beaucoup. Après quelques jours, j'ai des maux de tête, puis je commence à avoir des croûtes autour de la bouche...Je me déshydrate....
C'est donc cette situation qui me fera quitter mes amis du village. Fini la vie dans les maisons en bois, fini les virées sur le marais, les orangs outangs et les crocodiles ( et oui, j'en ai aperçu quelques uns !), finie la vie simple et tranquille, je repars.



samedi 30 novembre 2013

Banda Aceh, Sumatra

Un bateau sur le toit d'une maison
Après un petit tour le long de la cote nord de Sumatra, J'arrive à Banda Aceh.
Ce nom vous dit quelque chose ?
C'est la ville la plus proche de l'épicentre du séisme qui a provoqué le tsunami de 2004.

9 ans après, la ville est reconstruite, en grande partie grâce à l'aide internationale, dont une grande part de générosité des particuliers.

Aujourd'hui, il ne reste que quelques vestiges de la catastrophe, qui sont devenus des attractions touristiques, tel ce bateau sur le toit d'une maison autour duquel se pressent quelques vendeuses de "souvenirs", dvd du désastre, photos des dégâts...qui voudrait acheter ça? pas moi en tout cas.





Il y a aussi beaucoup de plaques sur des bâtiments, où on peut lire ce genre d'inscription: Ce bâtiment a été reconstruit par....telle ou telle association.
 


C'est un peu triste de se faire mousser comme ça. Surtout qu'à l'époque, le prix d'une plaque gravée aurait certainement été mieux employé à fournir des repas, de l'eau potable ou des soins médicaux.



...une école Coca   
Il y a aussi les "grands" industriels, qui, s'ils ont été généreux, en ont bien profite aussi pour faire leur pub, comme ce fabricant de boisson brunâtre qui a construit des écoles....                             Puis, toujours au rang des gaspillages,  le musée qui a coûté environ 5 millions de dollars, et qui est maintenant dans un état déplorable faute de fonds suffisants pour l'entretenir.


La ville est donc reconstruite. Les villages le long de la cote aussi. Un peu partout on peut voir des petites maisons en dur, avec leur toit bleu, toutes identiques...vides.
Dans ce village, 1 maison sur 5 est encore habitée, les autres
 tombent lentement en décrépitude
Vides parce que les habitants savent bien qu'une maison en dur qui s'écroule, ça fait des morts. Vides parce que ces maisons sont faites pour une famille de 4 ou5 personnes alors qu'une famille ici c'est environ 10 personnes qui vivent dans une grande pièce. Vides parce que avec le taux d'humidité très élevé qui règne ici, les maisons en dur étouffent, le ciment s'effrite, l'air y est malsain.

 Alors, peu à peu ils ont reconstruit leurs propres maisons, avec leurs propres deniers, en bois, parce que le bois s'écroulera sans ensevelir les habitants. En bois, parce que ça respire et que la ventilation fait que l'humidité ne stagne pas. En bois avec une grande pièce principale, parce que c'est comme ça qu'ils vivent, tout simplement.

Fléchage pour évacuation, au cas où...
Il y a aussi ceux qui se sont enrichis grâce à la catastrophe. C'est de notoriété publique, certains ont maintenant des maisons grandioses, mais au pays de la corruption ça ne choque personne, c'est comme ça, c'est tout.

L'important c'est d'être vivant...même si tout le monde sait que l'horreur peut se reproduire à tout instant, personne ne songe à se plaindre ou à migrer vers d'autres horizons. Leur vie est ici, et, dans cette province très religieuse, on continue à construire des mosquées et on se félicite du cote positif des choses. Le tsunami a sonné la fin de la guerre qui opposait les indépendantistes ultra musulmans et le gouvernement de Jakarta.

Je suis dans ce village, sur la cote, pas très loin de Band Aceh, lorsque, tout à coup, j'ai l'impression que la maison où je loge bouge.
Je sors de la pièce où je me trouve...ce n'est pas qu'une impression, c'est un tremblement de terre ! Le temps de réaliser ça, et c'est fini. La maison est toujours debout, pas de dégâts aux alentours...
Ouf !
Je regarde autour de moi, personne ne se précipite vers les points d'évacuations...et si il y avait une vague?...non, le tremblement de terre n'est pas assez violent, seulement 5,6 sur l'échelle de Richter, pas de quoi s'affoler!
De toute façon, les habitants n'y croient pas beaucoup au plan d'évacuation, seuls ceux qui ont une voiture prête à partir pourraient s'enfoncer dans les terres à toute vitesse et atteindre un point assez haut pour sauver sa peau.
La grande mosquée de Banda Aceh,
elle a miraculeusement résisté au tsunami
À pieds ou en scooter, il n'y a aucune chance de distancer un tsunami éventuel !

Alors on prie.
La grande mosquée de Banda Aceh a resistee au tsunami, elle est restée intacte au milieu du champ de ruine qu'était devenu la ville, c'est un signe. Un signe que la piété peut vous sauver...
Un signe d'espoir, le seul peut-être, pour ces gens qui, tous, absolument tous, ont perdu un ou plusieurs membre de leur famille....
Alors ils prient.




 
 
 










vendredi 22 novembre 2013

Boulé, boulé ! etre une "long nez" à Sumatra


Photo ! Photo !
Lorsque que l'on quitte les endroits touristiques de Sumatra, il se produit un phénomène digne de "Twilight zone", un tourbillon surnaturel et je me retrouve dans une autre dimension. Une dimension où les habitants n'ont jamais vu de "blanc".
Sur un chemin, j'entends: Boulé, boulé ! c'est un gamin, et il part en courant vers le village, en
continuant sa complainte à tue tête. Boulé, boulé....
Boulé, ça veut dire: blanc, étranger, occidental. En avançant vers le village, les gens sortent sur le pas de leurs portes pour me voir passer, les rires fusent, on me montre du doigt et on m'interpelle.
Le gamins s'agglutinent derrière moi et me suivent en riant....mais restent craintifs, si je me retourne un peu vivement, ils s'éparpillent et partent se cacher, pour revenir derrière moi en un instant.

Passer devant une école...c'est être engloutie
dans une marée d'enfants qui veulent être sur la photo
J'ai l'impression d'être la première étrangère à arriver ici, je me prends pour une Indiana Jones au féminin, exploratrice, découvreuse de civilisations perdues....sauf que l'indonesie était, il y a encore 60 ans, une colonie Hollandaise !
Mon rêve s'écroule, ah ah ah, je ne suis pas une exploratrice !
Comment est il possible de déclencher une telle curiosité dans un pays qui fut colonisé? je ne sais pas, je me pose chaque jour la question, je n'ai toujours pas la reponse..

Et si j'ai l'appareil photo en main, c'est: "photo ! photo !" Ils se battent presque pour poser pour une photo....qu'ils ne demandent même pas à voir. Ils sont juste content d'être le centre d'intérêt, d'être celui ou celle qui a été pris en photo.
Poser avec son canard, l'heure de gloire !
C'est souvent un homme qui va m'adresser la parole en premier pour me demander d'où je viens. Lorsque je comprends sa question et lui réponds en indonésien, c'est l'euphorie: Zinedine Zidane !!!!!!!!!!! C'est la star française incontestée ici. Ils sont passionnées par le foot, et Zidane étant musulman, il surpasse tous les autres joueurs. Il est suivi de près par BenZema, pour la même raison.
 Rapidement, tout le monde s'approche et se met à me parler, poser des questions....tous en même temps, à toute vitesse, tout en riant !
D\oux tu viens? j'ai déjà répondu trois fois à cette question, mais ils ne s'en lassent pas...
Tu es seule? Où est on mari ?
Je suis seule, je ne suis pas mariée, là, à chaque fois, c'est rires et consternation en même temps. Pour les indonésiens, faire quelque chose seul c'est déjà difficile à imaginer, mais ÊTRE seul c'est carrément au delà des possibilités envisageables, c'est une fatalité.

Ce qui me vaut un nombre incalculable de propositions de mariage :-)



Elles sont à peu près mon âge, mais elles sont
toutes les 4 grands-mères
 
Vient ensuite la question de l'âge qui m'est systématiquement posée.
Les indonésiens, comme tous les asiatiques, pensent que les occidentaux ont l'air vieux (tout comme nous trouvons que les asiatiques font jeune, ce qui est vrai ).

Mais, dans le même temps, ils me disent que j'ai l'air jeune, et souvent, ne croient pas mon âge.
 Il faut dire que l'espérance de vie ici est de 68 ans, avec de grandes disparités entre villes et campagne. Dans les campagnes, les gens estiment qu'ils seront morts à 60 ans.
Donc, bien sur, arpenter le globe à presque 50 ans.....ça leur parait plus qu'improbable.


Photo mister ? Grrrrrrrrrrrrr....
Les femmes me parlent systématiquement de mon nez. Elles en rêvent toutes: avoir un long nez !

Je n'ai pas assez de vocabulaire pour leur apprendre qu'en occident, beaucoup se font refaire le nez...pour le raccourcir ! ici, si elles en avaient la possibilité, elles le rallongeraient.


Dans les zones plus urbaines, on pourrait penser que les gens sont plus habitués aux étrangers....et ils le sont certainement. L'accueil est donc diffèrent: ils parlent anglais !
"Hello mister !".... Grrrrrrrr, j'ai des gros doutes sur ma féminité....

Hello mister ! Grrrrrrrrrrrr....
"Hello mister, hello mister. my name is ?"
Et ça s'arrête là....enfin, ça s'arrête là pour ce qui est des notions d'anglais. Car en fait, ça ne s'arrête pas, mais pas du tout !

C'est toutes les 3 secondes, une litanie incessante de "hello mister" et de rires. Car je leur répond bien sur, au moins un Hello ! parfois je les salue dans leur langue, alors là, ça redouble  de rires !

Je dois bien avouer que c'est fatigant. Hello mister (grrrr...) photo?
Allez, encore une devant la mosquée...
j'ai le sourire tellement figé que ça fait mal aux joues :-)
Une famille. Ils veulent une photo avec moi. Les téléphones portables sortent des poches, et c'est parti. Une photo, deux, puis trois, puis avec les enfants, puis la dame et moi, puis encore une, la même, juste pour être surs qu'elle est bien. Je les quitte, 20 m plus loin deux jeunes filles: Hello mister, photo?... allez, re-sourire, re-encore une...pas moyen d'avancer, de se balader et d'apprécier la ville. C'est incessant et c'est lassant mais si, pour moi ça devient un fardeau, pour eux ce n'est qu'une fois dans leur vie: une photo avec une boulé !

Alors je souris, ok pour la photo. Ok pour la suivante...ils sont tellement contents.


Il y a ensuite les collégiens, par groupe de 6 ou 7, ils sont envoyés en ville par leur professeur. Leur but: trouver un boulé et l'interviewer.  Ils parlent un anglais approximatif, ils ont des questions préparées, comment tu t'appelles, de quel pays viens-tu? combien de temps tu restes? quel est ton sport favori.... après 3 ou 4 élèves, c'est déjà très répétitif, vivement que ça finisse...ouf, terminé ! je fais trois pas, un autre groupe m'aborde, même école, même classe...et mêmes questions !
Je n'ai pas le coeur de leur dire non, c'est reparti pour un tour !
avec des collégiens

Les étudiants d'université sont plus intéressants. Leur anglais est meilleur et on peut réellement discuter. Eux aussi se ruent sur moi comme si ils n'avaient jamais vu d'étrangers, eux aussi veulent des photos...mais ils sont surtout avides d'en savoir plus sur l'Europe, les possibilités d'émigrer, le niveau de vie etc.


encore une ? avec des étudiantes en uniforme
Je suis plusieurs fois invitée à intervenir dans des universités pour parler de l'Europe et de mon voyage. Un exercice pas si facile. J'essaie de leur donner une vision réaliste de l'Europe et de la crise économique, de leur expliquer que le niveau de vie est élevé, certes, mais que la vie est difficile, morose qu'il est difficile de trouver du travail.

Question: combien gagne un instituteur en France?


Je réponds: 1500 euros par mois...petit calcul de conversion en monnaie locale....c'est à peu près ce que gagne un instituteur ici, mais par an !

Je ne veux pas les démoraliser, avec un salaire moyen de 100 euros par mois en Indonesie, bien sur que les Européens paraissent riches !...
Mais le coût de la vie n'est pas le même, j'essaie de leur donner des exemples précis de prix facilement comparables, un café, un repas, un paquet de cigarettes...bref, on parle beaucoup d'argent.

Au milieu des mes "etudiantes", Medan University
C'est souvent après le "cours" lorsqu'il n'y a plus de professeurs alentour que les élèves me posent des questions plus variées. Et là, je suis parfois ahurie, où vont-ils chercher des idées pareilles?
C'est vrai que chez toi on peut faire l'amour dans la rue ?.....ben, non, c'est pas vrai. Mais on peut s'embrasser dans la rue.
C'est la vérité, mais pour eux, ça revient au même, ils restent donc avec cette impression d'une débauche publique constante.



C'est vrai que les gens se promènent tous nus?....pas tous nus, non, mais parfois peu vêtus oh la la, comme c'est difficile....
C'est vrai qu'il y a des livres gratuits pour tout le monde?  T'as déjà vu la neige? C'est vrai qu'il y a des chiens dans les maisons? Tu connais Elvis Presley? C'est possible d'avoir des enfants sans un homme?....
Lyon? Marseille ou PSG?
Bref, je fais de mon mieux pour répondre le plus honnêtement possible. En général je sort de ces séances complètement épuisée, mais contente aussi d'avoir partagé un peu de notre culture et d'avoir corrigé un peu de leurs idées extravagantes sur nos comportements décadents.

Je quitte la ville et reprends la route, toujours au son des "boulé, boulé".
Et je continue à me faire photographier comme une star de cinémas.
Je continue aussi à répondre à toutes sortes de questions, mais la plus mignonne m'a été posée par un jeune vendeur de rue:
Tu habites où en France? Lyon? Marseille? PSG?
Le foot n'est jamais bien loin !




 

lundi 11 novembre 2013

Pays Batak, Sumatra


Me voici dans le plus grand pays musulman du monde, ... Et pourtant, mes premiers pas à Sumatra (voir post précèdent) m'amènent en pays Chrétien.
Les bataks ont résisté aux vagues successives d'envahisseurs, y compris les Hindus et les Musulmans.
 Ils étaient cannibales il y a encore 150 ans !...puis, les missionnaires Hollandais ont eu raison de leurs croyances.
Un verre d'eau et une cigarette en offrande
Enfin, pas tout à fait, car, si ils assurent tous être Chrétiens (la plupart sont protestants), ils croient aussi aux esprits. Leur culture animiste se retrouve notamment dans les tombes. Ici, la mort est prise au sérieux et on construit des maisons pour les disparus. On construit aussi des sortes de totems, ou de statues représentant le défunt entourée de sa famille et on vient régulièrement y déposer des offrandes (cigarettes, nourriture, bouteille d'eau potable) pour que son esprit soit en paix et ne vienne pas tourmenter les vivants.

Un Orchestre pour les esprits
On y ajoute parfois un orchestre pour faire bonne mesure et être sur d'apaiser les esprits.

Il faut dire que les bataks ont une culture musicale bien ancrée. Les hommes se baladent souvent avec leur guitare. Les femmes chantent.

Lors d'une promenade, je m'arrête dans un boui-boui, où je suis aussitôt entourée d'une douzaine de jeunes. Certains parlent un peu anglais et me demandent si j'ai déjà eu l'occasion d'entendre leur musique traditionnelle. En fait, non, car je ne suis là que depuis deux jours.

Annonce de funérailles, ou de mariage...
 
Ah, si tu veux entendre de la musique, tu peux avancer un peu plus loin, il y a des funérailles, tu pourras entendre la musique et voir des danses !...Mais je ne suis pas de la famille, que vont dire les gens en me voyant arriver?
Rires: "Tout le village va y aller, les funérailles c'est ouvert à tous"







En m'avançant sur le chemin, j'entends effectivement de la musique, puis je vois ce grand panneau réalisé en fleurs. J'en avais déjà vu et on m'avait dit que c'était pour un mariage. Ils se sont moqués de moi les jeunes ! ou alors ils ont confondu les mots en anglais....Mais c'est pas grave, assister à un mariage c'est chouette !



Ambiance fête foraine sous des bâches de recup'
(bâches de pub pour la campagne électorale)

Je m'approche un peu plus, et je vois des stands où on vend des fruits et des bonbons et des gâteaux devant une grande tente de tissus multicolore d'où s'échappe toujours la musique.
 Ambiance plutôt festive donc, avec un petit air de fête foraine.

Il y a foule, et je me fraie discrètement (car après tout, je n'ai pas été invitée à la fête...quoi que m'aient dit les jeunes) un chemin parmi les spectateurs qui papotent, assis dans l'herbe.




Arrivée à la lisière de la grande tente,je vois une rangée d'hommes en costume traditionnel, et, en face, une rangée de femmes, elles aussi dans leurs habits du dimanche.

Ça rigole et ça discute devant la sono qui crache la musique à fond.

Il y a une vache attachée à un piquet au milieu de la tente, un cadeau de mariage? ou la dot, peut être?
la rangée des élégantes


Un type filme la cérémonie avec une énorme caméra vidéo....J'admire les costumes des femmes, notamment les pièces de tissus brodées qu'elles portent élégamment sur l'épaule lorsque la musique cesse.




la vidéo c'était pas pour les mariés,
je suis bel et bien à des funérailles
Un des hommes s'empare d'un micro et s'avance vers ma gauche, va-t-il commencer le karaoke ? Je le suis du regard, et, tout d'un coup, je LE vois.

Pas le marié, non, le cercueil !

Prise dans l'ambiance, je ne l'avais pas remarqué, mais il est bel et bien là, ouvert, le visage de la défunte couvert d'un linge blanc.
Ce n'est donc pas un mariage...les jeunes avaient raison, ce sont bien des funérailles!

L'homme au micro prononce un court discourt et la musique reprend, mais cette fois ci, ce n'est plus la sono, mais des musiciens qui jouent.

Une ronde commence, les participants dansent autour du piquet central et de la vache.
de plus en plus de châles
Ils transportent ces jolis châles brodés et viennent les déposer sur le dos de certains qui sont restés près du cercueil.

Un, puis deux, puis dix...le pauvre garçon croule littéralement sous les châles empilés sur son dos !

Le couple a du mal à bouger sous le poids
 
Un jeune couple reçoit le même traitement. Ils se tiennent cote à cote et reçoivent les châles les uns après les autres, ils sont courbés sous le poids et ont bien du mal à avancer pour se joindre ensuite à la ronde, ils sont liés par les châles accumulés sur leurs dos.


La ronde est finie, on se débarrasse des châles, et les discours commencent. Les hommes prennent la parole les uns après les autres, c'est long. Pas seulement pour moi qui ne comprends rien, mais visiblement, tout le monde à l'air de s'ennuyer, et peu à peu, les gens se tournent vers moi. Je me retrouve au milieu d'un attroupement bruyant.

Les tombes batak ressemblent aux maisons batak...
elles ont le même toit
Il est temps pour moi de m'éclipser, je n'ai pas envie de troubler la suite de la cérémonie.

J'apprendrais plus tard que les panneaux de fleurs servent autant aux mariages qu'aux funérailles, le texte change, mais les décorations sont à peu prés les mêmes. Les jolis châles brodés aussi servent pour les deux occasions. Ils sont offerts pour porter chance.
Celui qui les reçoit, les offrira à son tour lors du prochain mariage ou des prochaines funérailles...où on dansera à nouveau pour apaiser les esprits, avant d'enterrer le défunt dans nouvelle maison qui ressemble à celle qu'il avait avant.

Et les maisons Batak sont assez exceptionnelles!
Elles sont en forme de bateau.
maison Toba-Batak

Les toit de feuilles sont maintenant remplacés par la tôle ondulée, mais la tradition demeure et on construit encore ces jolies maisons en bois un peu partout en pays Batak.

Avec des différences tout de même, car plus j'avance dans cette région, plus je découvre une culture complexe.
Les Bataks sont en fait, plusieurs groupes différents selon leur localisation, chacun avec sa propre langue, ses coutumes et son architecture propre.



Dans la région de Toba, un village ressemble donc à ça:

Une majorité de maisons bataks, même si les toits sont en tôle ondulée, la tradition domine.









maisons Karo-Batak
Alors que 50 Km plus au nord, un village ressemble à ça (photo de gauche): trois ou quatre maisons traditionnelles, le reste, ce sont des maisons modernes.

Ici vivent les Karo- Batak, avec un autre langage, et une autre culture. Si l'identité reste forte, on ne construit plus de maisons traditionnelles ici.
Celles qui sont encore debout servent toujours, elles sont immenses et abritent plusieurs familles.
J'ai la chance d'être invitée à l'intérieur d'une de ces immenses structures en bois. L'électricité y a fait son apparition, mais pas l'eau courante. Pour la toilette et la lessive, il faut aller au bain du village.
Au milieu du village, les bains flambants neufs en béton
Pour la cuisine, il faut transporter les bidons d'eau et la faire bouillir pour la rendre potable.



le foyer à même le sol en bois
C\est grand, certes, mais l'espace en hauteur reste vide, tout le monde habite  sur un seul niveau. Alors 25 personnes là dedans, ça fait quand même beaucoup. Il y a quatre foyers dans la maison que j'ai pu visiter, c'est à dire 4 feux à même le sol, sur un lit de sable et entouré de grosses pierres.






Sachant que l'édifice est tout en bois et qu'au dessus du foyer sont suspendues des espèces d'étagères de rangement ( en bois aussi), je me demande comment ils évitent les incendies.

Il n'y a aucun meuble, on s'assoie, on mange et on dort par terre sur des nattes.



Église dans le style Karo-Batak
Ces maisons sont en voie de disparition, malheureusement, le béton gagne du terrain chaque jour, mais la culture est bien ancrée, et le style se retrouve sur certaines maisons modernes qui arbore fièrement le crane de buffle qui décore ces bâtisses traditionnelles.

Le "style Batak" est aussi repris dans la construction de certains bâtiments officiels et certaines églises.






coiffure traditionnelle



Les femmes Batak ne portent bien sur pas le foulard comme dans le reste de l'indonesie puisqu'elles sont chrétiennes.  Cependant, beaucoup portent la coiffe traditionnelle, même avec des vêtements occidentaux.




feuille de bétel
préparée pour moi, il va falloir que je me lance !

C'est avec les femmes Batak que j'expérimente pour la première fois le bétel.
Cette feuille qui rougit la bouche et donne un sourire de vampire est mâchée un peu partout en Asie, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'essayer.
Ici dans certains villages, c'est cent pour cent des femmes qui s'y adonnent, et seulement les femmes, je n'ai pas réussi à savoir pourquoi les hommes n'en consomment pas.
Bref... donc, pas d'exception pour moi, je suis une femme, il faut que je mâche !

Démonstration...plus qu'à faire pareil...
C\est au milieu des rires qu\on me prépare une feuille dans laquelle est roulée une poudre couleur ocre. C'est assez volumineux, il s'agit de mâcher ça, et, quand on commence à saliver, rajouter du tabac et continuer à mâcher. Ensuite, il faut cracher le jus rouge au fur et à mesure....

Ça parait simple comme ça, mais en fait, on en a plein la bouche, pas facile de cracher le jus sans cracher l'ensemble....

Et en plus,c'est très amer !...carrément infect !
Le premier qui rit...sera privé de blog !
Tout le monde rigole autour de moi...et je comprends pourquoi, lorsque, plus tard, je découvre la photo qu'elles ont prise de moi. Certainement la photo où je suis la plus affreuse !

Mais comme je ne suis pas vaniteuse ;-)...


.....la voila la photo ! pas difficile de comprendre que tout le monde se bidonnait autour de moi, j'ai du donner un bon quart d'heure de grimaces diverses et variées, entre le goût vraiment dégueu et essayer de cracher le jus sans m'en mettre partout....


Allez, je quitte le pays Batak, à bientôt pour de nouvelles aventures !