lundi 11 novembre 2013

Pays Batak, Sumatra


Me voici dans le plus grand pays musulman du monde, ... Et pourtant, mes premiers pas à Sumatra (voir post précèdent) m'amènent en pays Chrétien.
Les bataks ont résisté aux vagues successives d'envahisseurs, y compris les Hindus et les Musulmans.
 Ils étaient cannibales il y a encore 150 ans !...puis, les missionnaires Hollandais ont eu raison de leurs croyances.
Un verre d'eau et une cigarette en offrande
Enfin, pas tout à fait, car, si ils assurent tous être Chrétiens (la plupart sont protestants), ils croient aussi aux esprits. Leur culture animiste se retrouve notamment dans les tombes. Ici, la mort est prise au sérieux et on construit des maisons pour les disparus. On construit aussi des sortes de totems, ou de statues représentant le défunt entourée de sa famille et on vient régulièrement y déposer des offrandes (cigarettes, nourriture, bouteille d'eau potable) pour que son esprit soit en paix et ne vienne pas tourmenter les vivants.

Un Orchestre pour les esprits
On y ajoute parfois un orchestre pour faire bonne mesure et être sur d'apaiser les esprits.

Il faut dire que les bataks ont une culture musicale bien ancrée. Les hommes se baladent souvent avec leur guitare. Les femmes chantent.

Lors d'une promenade, je m'arrête dans un boui-boui, où je suis aussitôt entourée d'une douzaine de jeunes. Certains parlent un peu anglais et me demandent si j'ai déjà eu l'occasion d'entendre leur musique traditionnelle. En fait, non, car je ne suis là que depuis deux jours.

Annonce de funérailles, ou de mariage...
 
Ah, si tu veux entendre de la musique, tu peux avancer un peu plus loin, il y a des funérailles, tu pourras entendre la musique et voir des danses !...Mais je ne suis pas de la famille, que vont dire les gens en me voyant arriver?
Rires: "Tout le village va y aller, les funérailles c'est ouvert à tous"







En m'avançant sur le chemin, j'entends effectivement de la musique, puis je vois ce grand panneau réalisé en fleurs. J'en avais déjà vu et on m'avait dit que c'était pour un mariage. Ils se sont moqués de moi les jeunes ! ou alors ils ont confondu les mots en anglais....Mais c'est pas grave, assister à un mariage c'est chouette !



Ambiance fête foraine sous des bâches de recup'
(bâches de pub pour la campagne électorale)

Je m'approche un peu plus, et je vois des stands où on vend des fruits et des bonbons et des gâteaux devant une grande tente de tissus multicolore d'où s'échappe toujours la musique.
 Ambiance plutôt festive donc, avec un petit air de fête foraine.

Il y a foule, et je me fraie discrètement (car après tout, je n'ai pas été invitée à la fête...quoi que m'aient dit les jeunes) un chemin parmi les spectateurs qui papotent, assis dans l'herbe.




Arrivée à la lisière de la grande tente,je vois une rangée d'hommes en costume traditionnel, et, en face, une rangée de femmes, elles aussi dans leurs habits du dimanche.

Ça rigole et ça discute devant la sono qui crache la musique à fond.

Il y a une vache attachée à un piquet au milieu de la tente, un cadeau de mariage? ou la dot, peut être?
la rangée des élégantes


Un type filme la cérémonie avec une énorme caméra vidéo....J'admire les costumes des femmes, notamment les pièces de tissus brodées qu'elles portent élégamment sur l'épaule lorsque la musique cesse.




la vidéo c'était pas pour les mariés,
je suis bel et bien à des funérailles
Un des hommes s'empare d'un micro et s'avance vers ma gauche, va-t-il commencer le karaoke ? Je le suis du regard, et, tout d'un coup, je LE vois.

Pas le marié, non, le cercueil !

Prise dans l'ambiance, je ne l'avais pas remarqué, mais il est bel et bien là, ouvert, le visage de la défunte couvert d'un linge blanc.
Ce n'est donc pas un mariage...les jeunes avaient raison, ce sont bien des funérailles!

L'homme au micro prononce un court discourt et la musique reprend, mais cette fois ci, ce n'est plus la sono, mais des musiciens qui jouent.

Une ronde commence, les participants dansent autour du piquet central et de la vache.
de plus en plus de châles
Ils transportent ces jolis châles brodés et viennent les déposer sur le dos de certains qui sont restés près du cercueil.

Un, puis deux, puis dix...le pauvre garçon croule littéralement sous les châles empilés sur son dos !

Le couple a du mal à bouger sous le poids
 
Un jeune couple reçoit le même traitement. Ils se tiennent cote à cote et reçoivent les châles les uns après les autres, ils sont courbés sous le poids et ont bien du mal à avancer pour se joindre ensuite à la ronde, ils sont liés par les châles accumulés sur leurs dos.


La ronde est finie, on se débarrasse des châles, et les discours commencent. Les hommes prennent la parole les uns après les autres, c'est long. Pas seulement pour moi qui ne comprends rien, mais visiblement, tout le monde à l'air de s'ennuyer, et peu à peu, les gens se tournent vers moi. Je me retrouve au milieu d'un attroupement bruyant.

Les tombes batak ressemblent aux maisons batak...
elles ont le même toit
Il est temps pour moi de m'éclipser, je n'ai pas envie de troubler la suite de la cérémonie.

J'apprendrais plus tard que les panneaux de fleurs servent autant aux mariages qu'aux funérailles, le texte change, mais les décorations sont à peu prés les mêmes. Les jolis châles brodés aussi servent pour les deux occasions. Ils sont offerts pour porter chance.
Celui qui les reçoit, les offrira à son tour lors du prochain mariage ou des prochaines funérailles...où on dansera à nouveau pour apaiser les esprits, avant d'enterrer le défunt dans nouvelle maison qui ressemble à celle qu'il avait avant.

Et les maisons Batak sont assez exceptionnelles!
Elles sont en forme de bateau.
maison Toba-Batak

Les toit de feuilles sont maintenant remplacés par la tôle ondulée, mais la tradition demeure et on construit encore ces jolies maisons en bois un peu partout en pays Batak.

Avec des différences tout de même, car plus j'avance dans cette région, plus je découvre une culture complexe.
Les Bataks sont en fait, plusieurs groupes différents selon leur localisation, chacun avec sa propre langue, ses coutumes et son architecture propre.



Dans la région de Toba, un village ressemble donc à ça:

Une majorité de maisons bataks, même si les toits sont en tôle ondulée, la tradition domine.









maisons Karo-Batak
Alors que 50 Km plus au nord, un village ressemble à ça (photo de gauche): trois ou quatre maisons traditionnelles, le reste, ce sont des maisons modernes.

Ici vivent les Karo- Batak, avec un autre langage, et une autre culture. Si l'identité reste forte, on ne construit plus de maisons traditionnelles ici.
Celles qui sont encore debout servent toujours, elles sont immenses et abritent plusieurs familles.
J'ai la chance d'être invitée à l'intérieur d'une de ces immenses structures en bois. L'électricité y a fait son apparition, mais pas l'eau courante. Pour la toilette et la lessive, il faut aller au bain du village.
Au milieu du village, les bains flambants neufs en béton
Pour la cuisine, il faut transporter les bidons d'eau et la faire bouillir pour la rendre potable.



le foyer à même le sol en bois
C\est grand, certes, mais l'espace en hauteur reste vide, tout le monde habite  sur un seul niveau. Alors 25 personnes là dedans, ça fait quand même beaucoup. Il y a quatre foyers dans la maison que j'ai pu visiter, c'est à dire 4 feux à même le sol, sur un lit de sable et entouré de grosses pierres.






Sachant que l'édifice est tout en bois et qu'au dessus du foyer sont suspendues des espèces d'étagères de rangement ( en bois aussi), je me demande comment ils évitent les incendies.

Il n'y a aucun meuble, on s'assoie, on mange et on dort par terre sur des nattes.



Église dans le style Karo-Batak
Ces maisons sont en voie de disparition, malheureusement, le béton gagne du terrain chaque jour, mais la culture est bien ancrée, et le style se retrouve sur certaines maisons modernes qui arbore fièrement le crane de buffle qui décore ces bâtisses traditionnelles.

Le "style Batak" est aussi repris dans la construction de certains bâtiments officiels et certaines églises.






coiffure traditionnelle



Les femmes Batak ne portent bien sur pas le foulard comme dans le reste de l'indonesie puisqu'elles sont chrétiennes.  Cependant, beaucoup portent la coiffe traditionnelle, même avec des vêtements occidentaux.




feuille de bétel
préparée pour moi, il va falloir que je me lance !

C'est avec les femmes Batak que j'expérimente pour la première fois le bétel.
Cette feuille qui rougit la bouche et donne un sourire de vampire est mâchée un peu partout en Asie, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'essayer.
Ici dans certains villages, c'est cent pour cent des femmes qui s'y adonnent, et seulement les femmes, je n'ai pas réussi à savoir pourquoi les hommes n'en consomment pas.
Bref... donc, pas d'exception pour moi, je suis une femme, il faut que je mâche !

Démonstration...plus qu'à faire pareil...
C\est au milieu des rires qu\on me prépare une feuille dans laquelle est roulée une poudre couleur ocre. C'est assez volumineux, il s'agit de mâcher ça, et, quand on commence à saliver, rajouter du tabac et continuer à mâcher. Ensuite, il faut cracher le jus rouge au fur et à mesure....

Ça parait simple comme ça, mais en fait, on en a plein la bouche, pas facile de cracher le jus sans cracher l'ensemble....

Et en plus,c'est très amer !...carrément infect !
Le premier qui rit...sera privé de blog !
Tout le monde rigole autour de moi...et je comprends pourquoi, lorsque, plus tard, je découvre la photo qu'elles ont prise de moi. Certainement la photo où je suis la plus affreuse !

Mais comme je ne suis pas vaniteuse ;-)...


.....la voila la photo ! pas difficile de comprendre que tout le monde se bidonnait autour de moi, j'ai du donner un bon quart d'heure de grimaces diverses et variées, entre le goût vraiment dégueu et essayer de cracher le jus sans m'en mettre partout....


Allez, je quitte le pays Batak, à bientôt pour de nouvelles aventures !










 

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