samedi 13 avril 2013

ONG et Tourisme humanitaire: les derives



Welcome to the orphanage, Visit our school for poor children ….

On peut voir ce genre de panneau un peu partout au Cambodge. Ça ne vous choque pas ? Vous pensez que c’est plutôt bien, en tant que touriste occidental d’aller visiter un orphelinat pour apporter un peu de réconfort à ces pauvres enfants….Mais allez vous visiter un orphelinat  quand vous allez en week end à Londres ou en vacances à Madrid ?
Les parents confient leurs enfants à ces “orphelinats” car on leur promet un enseignement de qualité et donc un avenir meilleur, parfois ils payent même pour cette prise en charge. Vous avez bien lu le mot: parents. Dans beaucoup de cas, les enfants des orphelinats ont au moins un parent vivant, ce ne sont donc pas des orphelins, et les établissements sont de faux orphelinats.
Les enfants se retrouvent donc séparés de leurs familles, placée dans ces établissements où ils vivent dans des conditions misérables, où l’enseignement est parfois quasiment inexistant. Dans certains cas, sous couvert d'apprentissage d'un métier, on fait même travailler ces enfants dans des ateliers...
Et lorsque vous visitez l’orphelinat, on vous fait comprendre qu’un don serait le bienvenu pour installer l’eau courante ou construire un nouveau dortoir ou acheter des vêtements. Sur la photo de droite, dans un de ces orphelinats, on envoie devant moi une gamine s’epuiser à pomper de l’eau, l’etablissement a besoin de robinets et de sanitaires pour les enfants…..
Les enfants, eux, ne verront jamais la couleur d’une quelconque amélioration puisque ce sont justement leurs pauvres conditions de vie qui entraînent les touristes à donner de l’argent.
Un business bien rodé.
Pire: ils voient défiler à longueur d’annee tout ces occidentaux avec leurs sourires bienveillants “ oh les poooovres, comme ils sont mignons !” les mêmes phrases qu’on prononce en visitant un zoo, on distribue des cacahuètes et on passe à autre chose. Parfois, au zoo, on se dit que les petits singes si mignons seraient peut être mieux en liberté...et les enfants alors ?
C’est une affaire rentable, beaucoup l’ont bien compris et il n’y a pas que les faux orphelinats pour récupérer de l’argent au détriment de la dignité humaine.
Je prends contact avec une ONG qui me semble sérieuse. Elle a été fondée par des australiens qui distribuent de l’eau potable à deux villages. Ils ont aussi construit une école maternelle pour que les mamans puissant aller travailler et ainsi gagner de quoi nourrir leurs familles.  Ils cherchent des volontaires pour les aider.
Je rencontre Ross, fondateur de cette association, nous discutons longuement, je lui dis que je suis prête à m’engager sur le long terme pour une action utile, il me dit que ma candidature l’interesse et me donne rendez-vous le lendemain pour une première prise de contact sur le terrain. Arrivée au point de RDV, je suis bien surprise de trouver une douzaine d’etranger qui attendent avec moi. On doit prendre un mini van qui nous amènera sur place.





distribution d'eau...

Une fois en route, on nous distribue un Feuillet sur lequel sont répertoriées les actions de l’association, quelques consignes sur la conduite à tenir pendant la visite du village, et le tarif: 5 $ par jour. Et oui, vous avez bien lu: un tarif pour la visite des pauvres !
Alors, bien sur, dans ce cas là, l’argent sert à des actions concrètes (concrètes ne veut pas dire utiles). Je constate qu’effectivement, la garderie fonctionne, qu’il y a des crayons de couleur et des jeux pour les enfants ainsi que des lavabos où on leur apprend à se laver les mains avant les repas.  
Mais pourquoi, dans un pays ou la famille est l’element central de la société et où, traditionnellement, les enfants en bas âge restent avec les grands mères devraient-on imposer notre modèle occidental de garderie ? Un jour, ces grands mères auront perdu leur utilité et on les enverra finir leurs jours dans des mouroirs....comme chez nous....

Merci L'ONG !
Et qu’ent est-il de la dignité humaine?  Accepterions nous en Europe, que des étrangers visitent chaque jour l' école maternelle où jouent nos enfants?  Alors pourquoi le faire chez les autres ?
 
... alors qu'il y a un puits et une pompe
Et pourquoi continuer à distribuer de l’eau potable alors qu’il y a une pompe dans le village? Ross me dit que l’eau des nappes phréatiques est polluee….Ne serait-il pas plus utile d’installer des filtres? Il me dit que les filtres demandent de l’entretien et une surveillance constante. Ben oui, justement, former des techniciens pour l’entretien des pompes et des filtres  permettrait aux villageois d’obtenir de l’eau potable et d’etre indépendants, cela leur permettrait de reprendre leur destin en main, d’agir pour leur propre compte, de réaliser  qu’ils peuvent être responsables de leur destin, pas forcement à la merci d’une ONG qui pratique l’assistanat…Inutile de vous dire que Ross – le président de l’association - n’aprecie ni mes questions ni mes remarques.

Des abats jours tournés à la chaîne et destinés aux
touristes
Vous souvenez vous de ce post ou je vous parlais d’une technique bien particulière de poterie sans tour ? Un trésor de savoir faire !
Et bien, dans le village d’ay cote, une ONG est venue apporter son aide occidentale. Certaines personnes ont sans doute jugé que ces pratiques archaïques étaient improductives, et qu’en offrant des tours aux villageois, on leur offrirait une vie meilleure. Résultat: avec des tours on
produit plus, du coup, l’offre dépasse la demande et les prix baissent. Les villageois sont obligés de fabriquer d’autres objets pour compenser le manque à gagner, ils fabriquent maintenant des objets pour touristes. Le prix sont toujours bas, ils doivent donc travailler trois fois plus qu’avant pour gagner la même chose, fini la vie tranquille et la sieste dans le hamac.


Les couvercles des jarres, parfaitement
ronds, fabriqués sans tour, une technique
qui disparaît...grâce aux ONG!

Merci l“ONG!
grâce à vous les habitants ont perdu en qualité de vie et un savoir-faire ancien est en train de disparaître.
L’enfer est pave de bonnes intentions, le Cambodge aussi.
On trouve sur la toile de nombreuses opportunités pour du volontariat. Vous pouvez aller aider les pauvres cambodgiens à construire une école (comme si ils n’etaient pas capable de le faire sans vous), donner des soins médicaux ou enseigner l’anglais dans les campagnes, le tout pour 2000 euros par moi.
Non, non, il ne s’agit pas de rémunération (puisque c’est du bénévolat), c’est vous qui devrez payer cette somme pour avoir le droit d’aller aider les pauvres.  Cela s’appelle du volontourisme, ou tourisme humanitaire.
Les bons sentiments des occidentaux ne sont pas perdus pour tout le monde. C’est devenu un vrai business. On pourrait presque en rire si cela ne se faisait, encore une fois, au détriment des populations locales.
Allez, juste un exemple parmi tant d’autre: http://www.travelworks.fr/volontariat-cambodge.html
Sur cette page, vous verrez que vous en avez pour votre argent. Vous payez votre inscription (ici entre 1500 et 3000 euros pour un mois), puis votre billet d’avion, mais quand vous arrivez sur place, tout est organisé pour vous. On vous fournit même un petit lexique avec des phrases en anglais pour que vous ne soyez pas trop perdu en arrivant. Plutôt utile me direz vous, vu le niveau d’anglais assez médiocre des Francais… sauf qu’en allant un peu plus bas sur la page, on découvre la “mission” don’t il est question: enseigner l’anglais !
Et là, une fois de plus, on comprend que ce sont les jeunes cambodgiens à qui cet enseignement est destiné qui sont les varies victimes de ces pratiques honteuses.
J’ai rencontré deux de ces jeunes français qui ont choisit de payer pour venir enseigner l’anglais à Siem Reap. Leur anglais est plutôt pauvre et leur grammaire carrément approximative, et ils m’avouent eux même ne pas être au niveau pour enseigner, mais ils compensent, me dissent-ils en faisant beaucoup de jeux avec les enfants.
“quels genre de jeux?”
“ On joue au foot, ou pierre cailloux ciseau. Les enfants sont super contents d’etre en classe avec nous.”
Quand je leur dit que les parents de ces enfant se sont parfois endettés pour leur payer ces cours privés payant, ils me disent qu'ils ne sont pas responsables, c’est l’organisation qui les a placés là sans leur donner de programme à suivre.
Et voila: on veut bien aller enseigner aux pauvres, mais on n’est pas responsables. C’est navrant.
Chom n'a plus les moyens d'avoir une maison,
 il vit dans une pièce sans sanitaires.
Son dictionnaire d'anglais est son meilleur ami,
il espère améliorer son niveau pour récupérer son
emploi à l'école privée
Pendant ce temps, Chom est professeur d’anglais dans une école publique. Sont niveau n’est certainement pas meilleur que celui des jeunes français, mais c’est son métier. Il est paye 80$ par moi. Ce n’est pas suffisant pour vivre alors, avant, il donnait des cours privés le soir et le week end pour améliorer son quotidien. Mais c’est bien fini, l’ecole privée a changé son statut, s’est enregistrée comme ONG (très facile à faire, il suffit de graisser quelques pattes),elle utilise maintenant de jeunes volontaires sans aucune expérience ni qualification et se vante auprès des parents de recruter des professeurs étrangers super qualifies. Chom a perdu son revenu complémentaire, l'école fait payer des cours qui sont données gratuitement, cherchez l'erreur
Avant, il y avait donc des cours du soir payants de qualité médiocre, certes, mais des cours d’anglais tout de même, et un emploi  pour un prof local.
Maintenant, il y a des cours (de foot) payants et un emploi local qui a disparu.
Merci le tourisme humanitaire !

En un mois et demi au Cambodge, j'ai entendu bien des témoignages d'abus ou de fraudes, provenant soit des ONG, soit des "volontour-operator". Je ne vous ai rapporté ici que mes propres expériences et rencontres, mais si le sujet vous intéresse, vous pouvez trouver plus d'infos et conseils sur ce site: http://www.thinkchildsafe.org/fr/content/Conseil4/myths-n-realities/orphanage2.html



 



 


 

3 commentaires:

  1. Excellente approche et analyse de ce sujet dans l'air du temps où tant de gens ont besoin de se laver la conscience à bon compte.
    J'ai rencontré des situations identiques en Inde.
    Affligeant.

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    1. merci pour le compliment.

      PS: une signature serait la bienvenue
      marie coco

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  2. j'ai, pendant plusieurs années et après avoir rencontré les "encadrants" déplacés dans le Midi à Marseille, Aix, etc.., donné en toute confiance à une association "Pour un Sourire d'Enfant".. qui avait je crois bien, reçu sous Chirac une "médaille et obole" pour son savoir faire... cette assoc diffusait un journal expliquant en détail à quoi servait nos abonnements, combien d'enfants.. bref c'était assez précis.. un jour j'ai arrêté parce qu'il y avait une urgence + importante ailleurs.. Mariecoco as tu rencontré cette assoc sur P.Penh? tout cela avait l'air "honnête"..Brigitte Girerd

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